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Livre 2
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Le legs de Mahâvîra
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Version 1.53 - 2015-10-11
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Chapitre 1
Les doctrines philosophiques
Comme Mahâvîra a été le 24ème Tirthankara, dans la succession
ininterrompue des ceux-ci depuis le premier, Rishabhadeva, il a
prêché la doctrine qui avait déjà été exposée par ses 23
prédécesseurs. Parshvanatha, le 23ème était né 250 ans avant lui
et, durant sa vie, il avait propagé la doctrine de base du Jaïnisme
pour le bien de l'humanité. Après lui, les conditions de vie avaient
considérablement changé, et le peuple avait adopté diverses croyances
et pratiques religieuses qui étaient complètement opposées à celles du
Jaïnisme. De ce fait, il était absolument nécessaire de ramener les masses
dans le droit chemin préconisé par les Tirthankaras jaïns. Ce fut fait
par le Tirhanakara Mahâvîra, au VIème siècle avant notre ère, en mettant
en relief les vieux principes jaïns auprès de toutes les catégories de
personnes dispersées dans les différentes parties de l'Inde.
Mahâvîra poursuivit sa tournée de prédication pendant 30 ans, jusqu'à
ce qu'il atteigne le "Parinirvana". Dans cette mission de propagation
de ses doctrines et de conversion des gens à la manière de vivre jaïne,
il eut un grand succès, parce que ceux-ci furent très impressionnés
par sa divine voix, ses talents oratoires, sa sublime personnalité et la
sincérité de ses propos. Ils furent fermement convaincus de l'utilité
d'adopter la façon de vivre jaïne. Ainsi, les doctrines prêchées par
le Tirthankara Mahâvîra furent essentiellement celles du Jaïnisme.
Le principe de base des doctrines philosophiques du Tirthankara Mahâvîra
est que "sat" (la réalité) est incréée et éternelle et qu'elle
est caractérisée par "utpada" (l'origine ou l'apparition), «
vyaya" (la destruction ou la disparition) et "dhravya" (la
permanence). De plus, chaque réalité possède des caractères infinis
concernant à la fois ce qu'elle est et ce qu'elle n'est pas. Elle a
ses "paryayas" (ses modes) et ses "gunas" (ses qualités)
à travers lesquelles son substrat persiste tout le temps. La substance de
base, avec ses qualités, est quelque chose qui est permanent, alors que ses
modes et ses caractères temporaires apparaissent et disparaissent. Ainsi,
le changement et la permanence sont des faits d'expérience. Par exemple,
l'âme est éternelle, avec ses caractéristiques inséparables de
conscience, mais en même temps elle est sujette à des caractères passagers,
comme le plaisir ou la douleur, et à des modes surimposés, tels que le
corps, etc. qui changent constamment tout deux. L'or, par exemple, avec
sa couleur et sa densité, est quelque chose qui est permanent, à travers
des formes différentes dans le temps.
De plus, les doctrines philosophiques affirment que dans ce monde,
"dravyas" (les substances) sont réelles, car elles sont caractérisées
par l'existence. Elles sont au nombre de six et peuvent être divisées,
en gros, en deux grandes catégories, à savoir : "jiva" (le vivant)
et "ajiva" (le non-vivant).
1) "Jiva dravya". Le "jiva" signifie l'Atman
(l'âme). C'est, essentiellement, une unité de conscience et il
y en a un nombre infini. Le monde entier en est littéralement rempli. Les
âmes sont des substances et, en tant que telles, sont éternelles. Leur
marque caractéristique c'est l'intelligence, qui ne peut jamais être
détruite. L'âme est toujours absolument parfaite et toute puissante mais,
par ignorance, elle s'identifie à la matière et delà partent tous ses
troubles et toutes ses dégradations.
Les âmes sont de deux sortes :
- "samasarin" (dans le monde) ou "badha" (asservies), et
- "siddha" (libérées) ou "mukta" (libres).
Les âmes dans le monde sont incorporées dans les êtres vivants et
sujettes au cycle des renaissances.
Les âmes libérées sont celles qui ont atteint le "nirvana"
ou "mukti" (la libération de l'incorporation et des
renaissances). Ce qui signifie que les âmes libérées ne seront plus jamais
incorporées. Elles demeurent dans l'état de perfection, au sommet de
l'univers, et n'ont plus de liens avec les affaires du monde. Les âmes
libérées sont aussi d'une pureté absolue. Dans cet état de pureté,
elles possèdent les quatre attributs suivants :
- "ananta-darshana" la perception infinie,
- "ananta-jnana" la connaissance infinie,
- "ananta-virya" le pouvoir infini, et
- "ananta-sukha" le bonheur infini.
Ainsi, la plus grande différence entre l'âme dans le monde et l'âme
libérée consiste dans le fait que la première est imprégnée d'une
fine matière connue sous le nom de "karma", alors que la seconde est
absolument pure de tout alliage matériel.
Les âmes dans le monde sont de deux sortes :
- "sthavara" immobiles ou n'ayant qu'un seul sens, celui du toucher, et
- "trasa" mobiles ou ayant plusieurs sens, c'est-à-dire avec des corps qui ont plus d'un organe des sens.
Les premières sont associées à la terre, à l'eau, au feu, au vent
et aux plantes, les secondes différent entre elles, suivant leur nombre
d'organes des sens.
2) "Ajiva dravya" Les substances non-vivantes sont de cinq sortes :
- "pudgala" la matière,
- "dharma" le moyen du mouvement,
- "adharma" le moyen du repos,
- "akasha" l'espace, et
- "kala" le temps.
Bien que toutes celles-ci soient caractérisées par l'existence,
la constitution du temps est légèrement différente : il n'a
pas d'existence dans l'espace, mais il est constitué de parties
d'unités. La matière est la substance non-vivante qui possède des
qualités de sens avec des fonctions et des formes variées. Les principes
du mouvement et du repos facilitent tous les mouvements et tous les états
statiques, dans l'univers physique. Toutes ces substances sont logées
dans l'espace et c'est le principe du temps qui marque leur continuité
ou leur changement.
Les doctrines du Jaïnisme affirment que ces six "jiva" et "ajiva
dravyas" (substances vivantes et non-vivantes) existent extérieurement,
sont incréées et sans fin dans le temps En tant que substances, elles
sont éternelles et immuables, mais leurs modifications passent par un flux
de changements. Leurs co-opérations et interactions mutuelles expliquent
tout ce que l'on entend par le terme de "création". De là, les
doctrines du Jaïnisme n'admettent pas un "Créateur" intelligent
qui peut être crédité de la réalisation de cet univers.
De plus, les doctrines du Jaïnisme affirment non seulement que tout
l'univers peut être divisé en "jiva" et "ajiva dravyas" mais
aussi expliquent la nature et l'interaction de ces deux éléments. Elles
disent, en bref, que le vivant et le non-vivant en entrant en contact l'un
l'autre développent certaines énergies qui produisent la naissance, la
mort et diverses expériences de la vie. Ce processus peut être arrêté
et les énergies déjà produites détruites par un cours de discipline
conduisant au salut. Une fine analyse de cette brève affirmation montre
que cela implique les sept propositions suivantes :
- il y a quelque chose appelé le vivant,
- il y a quelque chose appelé le non-vivant,
- les deux entrent en contact,
- le contact produit certaines énergies,
- le processus du contact peut être arrêté,
- les énergies existantes peuvent être épuisées et
- le salut peut être obtenu.
Ces sept propositions sont appelées les sept "tattvas"
(réalités), dans la philosophie jaïne. Ces "tattvas" sont les
suivantes :
- "jiva" la substance vivante,
- "ajiva" la matière ou substance non-vivante,
- "ashrava" l'afflux de la matière karmique dans l'âme,
- "bandha" l'asservissement de l'âme par la matière karmique,
- "samvara" l'arrêt de l'asservissement,
- "nirjara" l'enlèvement graduel de la matière karmique, et
- "moksha" l'atteinte de la liberté parfaite.
Sur ces sept "tattvas", les deux premières (jiva et ajiva)
concernent la nature et l'énumération de ses substances éternelles,
les cinq autres les interactions entre ces deux substances. L'"ashrava"
signifie l'afflux de la matière karmique dans la constitution de
l'âme. La combinaison de la matière karmique avec l'âme est due au
"yoga". Le "yoga" est l'activité de la pensée, de la parole
et du corps. Ainsi, le «yoga" est le canal de l'"ashrava". La
matière physique qui est réellement incorporée à l'âme ne peut pas
être perçue par les sens, car elle est très fine. Lorsque la matière
karmique entre dans l'âme, elles se mélangent imperceptiblement toutes
deux. Le "bandha" ou asservissement est l'assimilation par l'âme de
la matière qui est apte à former les "karmas", car elle est associée
aux passions. L'union de l'âme et de la matière n'implique pas une
annihilation complète de leurs propriétés naturelles, mais seulement une
suspension de leurs fonctions, à des degrés divers, suivant la qualité
et la quantité de matière absorbée. Ainsi, l'effet de la fusion de
l'âme et de la matière se manifeste sous la forme d'une personnalité
composée qui provient de la nature des deux, sans détruire véritablement
l'une ou l'autre.
Les causes du "bandha", de l'asservissement de l'âme,
sont au nombre de cinq :
- "mithya-darshana", la foi, la croyance, la perception, la vision fausses,
- "avirati" la manque de voux ou le non-renoncement,
- "pramada" le manque d'attention,
- "kashaya", les passions, et
- "yoga" les vibrations de l'âme par la pensée, la parole et le corps.
Les états effectifs de désir et d'aversion et le "yoga" :
l'activité de la pensée, de la parole et du corps, sont les conditions
qui attirent les "karmas" bons et mauvais vers l'âme. Lorsque ces
conditions sont enlevées, il n'y a plus de "karmas" qui s'approchent
d'elle, c'est le "samvara" complet. Une sorte de mur protecteur
repoussant tous les "karmas" est établie autour de soi. Ainsi, le
"samvara" est l'arrêt de l'afflux de la matière karmique dans
l'âme. Il y a plusieurs moyens d'effectuer cet arrêt. Le "nirjara"
signifie la disparition de la matière karmique de l'âme. Celle-ci
est libérée par la disparition automatique des "karmas" lorsqu'ils
sont mûrs, mais c'est un long processus. Leur disparition peut aussi
être volontairement opérée, par la pratique des austérités. Ainsi,
le "nirjara" est de deux sortes. La maturation naturelle d'un
"karma" et sa séparation de l'âme est appelée : "savipaka
nirjara" et l'induction d'un "karma" à quitter l'âme avant
qu'il soit mûr, par le biais de pratiques ascétiques, est appelée «
avipaka nirjara". Le "moksha" ou libération, c'est la délivrance
de toute matière karmique du fait de la non-existence de la cause de
l'asservissement et de l'effacement de tous les "karmas". Ainsi,
la libération complète de l'âme de la matière karmique est appelée «
moksha". Elle est atteinte quand l'âme et la matière sont séparées
l'une de l'autre. La séparation est effective lorsque tous les «
karmas" ont quitté l'âme et qu'aucune nouvelle matière karmique
ne peut plus être attirée vers elle.
Chapitre 2
La doctrine du "karma"
Les principes fondamentaux de la philosophie jaïne comportent la
doctrine du "karma". Ces principes affirment que les âmes qui sont
dans le monde le sont, depuis un temps immémorial, en association avec la
matière. Naturellement, le caractère de cette association ou asservissement
est librement et constamment changé, mais le fait et les raisons de cet
asservissement persistent à travers tous ces changements. Cette association
entraîne de nouveaux contacts et ainsi le cycle continue jusqu'à ce
qu'elle soit rompue de façon que tout nouveau contact soit évité.
Le contact de l'âme avec la matière a lieu de cette façon. L'âme
est entourée d'un grand volume de matière fine et subtile appelée «
karma". Lorsqu'elle essaye de faire quelque chose, instantanément les
particules de matière s'accrochent à elle, exactement comme les particules
de poussière collent au corps, quand il est enduit d'huile. Comme de
l'eau dans du lait, ces particules sont complètement assimilées par
l'âme et restent dans cet état tout au long de la vie et même dans ses
migrations d'un corps dans un autre. Le lien entre l'âme et la matière
est réel car, sinon, dans un état pur, l'âme aurait atteint le point le
plus haut de l'univers, puisque l'âme est la plus légère de toutes
les substances. Comme ce lien est dû au "karma" ou à l'activité
de l'âme, la matière subtile qui est associée à l'âme est appelée
du "karma".
Ainsi, le "karma" est quelque chose de matériel qui produit
certains effets sur l'âme, exactement comme une pilule pharmaceutique,
lorsqu'elle est introduite dans le corps, produit à l'intérieur de
nombreux effets. La matière karmique reste avec l'âme et l'asservit au
circuit des naissances comme dieux, humains, diables de l'enfer ou êtres
sous-humains. Comme la présence de la matière karmique dans l'âme est la
cause du cycle des naissances et des morts et de toutes les formes de vie,
l'âme doit être délivrée de cette matière. Pour cela, l'afflux de
la matière karmique doit être arrêté, en cultivant des pensées et des
actions pures, et le stock de matière karmique doit être épuisé, par
la pratique des austérités religieuses. Alors, une fois les "karmas"
complètement détruits, l'âme devient libérée, avec toutes ses qualités
inhérentes totalement développées. Cette âme libérée et parfaite est
dans une situation de bonheur infini et elle a d'autres qualités. Ce doit
être, par conséquent, le but de tout individu de parvenir à cet état
parfait et naturel de son âme, par ses efforts personnels. Sur ce plan,
la philosophie jaïne affirme clairement que l'atteinte de la libération
de l'âme de la matière karmique dépend entièrement de ses propres
actions et non des faveurs d'êtres humains ou divins. De même que les
substances éternelles interactives (dravyas) postulées dans le Jaïnisme
n'admettent pas de créateur, de même la loi inviolable du "karma"
rend l'homme maître de son destin et rejette l'idée théiste favorite
que quelque divinité accorde à l'homme des faveurs et des reproches.
Chapitre 3
Les doctrines du "nayavada" et du "syadvada"
Comme noté plus haut, suivant la philosophie jaïne, l'objet de
connaissance est d'une complexité énorme, constitué de substances, de
qualités et de modifications, s'étendant sur le passé, le présent et
le futur, dans le temps et dans l'espace infini, sujet simultanément à
l'origine, à la destruction et à la permanence. Un tel objet ne peut
être compris totalement que dans l'omniscience, qui ne se manifeste
pas dans le cas des êtres dans le monde, lesquels perçoivent avec leurs
organes des sens. Mais, les sens sont des moyens indirects de connaissance
et tout ce qu'ils comprennent est partiel, comme la perception proverbiale
d'un éléphant par sept personnes aveugles, chacune touche seulement
une partie de l'animal et en conclut que celui-ci est comme un
rondin, un éventail, un mur, etc. L'homme ordinaire, par conséquent,
ne peut pas s'élever au-dessus des limitations de ses sens, ainsi sa
compréhension de la réalité est partielle et n'est vraie que d'un
point de vue particulier, connu sous le nom de "naya". Comme les «
nayas" sont des façons d'exprimer les choses, il peut y en avoir un
certain nombre, par lesquels la réalité peut être exprimée. Par exemple,
lorsque différentes sortes d'ornements en or sont décrites du point de
vue des modifications ou des modes de l'or, on parle de "paryayarthika
naya" ou de "paryaya naya" du point de vue modal et lorsque
les ornements en or sont décrits par rapport à la substance l'or,
et à ses qualités propres, on parle de "dravyarthika naya" ou de «
dravya naya" du point de vue substantiel. Sur le même plan, dans
les débats spirituels, les choses peuvent être décrites du point de
vue du sens commun ou pratique, on parle de «vyavahara naya" et aussi
de "nishchaya naya" du point de vue réaliste. De cette façon,
le système de description de la réalité de différents points de vue
est connu sous le nom de "nayavada".
Ce n'est pas assez si divers problèmes concernant la réalité sont
seulement compris de points de vue différents. Il faut que ce que l'on sait
puisse être exprimé de façon exacte et correcte. Ce besoin se rencontre
dans la doctrine du "syatvada" ou de l'"anekantavada" du point
de vue multiple. L'objet de connaissance est d'une énorme complexité,
couvrant des modes infinis, l'esprit humain a une compréhension limitée
et la parole humaine a ses imperfections pour exprimer tout le domaine de
l'expérience. Dans ces conditions, toutes nos affirmations sont vraies de
façon conditionnelle ou relative. Sur la base de l'"anekantavada"
ou du "syadvada", lorsque l'on décrit une chose, sept affirmations,
qui semblent contradictoires, peut être exprimées comme suit :
- "syad-asti" d'une certaine manière, c'est,
- "syad-nasti" d'une certaine manière, ce n'est pas,
- "syad-asti-nasti" d'une certaine manière, c'est et ce n'est pas,
- "syad-avaktavya" d'une certaine manière, c'est indescriptible,
- "syad-asti, avaktavya" d'une certaine manière, c'est et c'est indescriptible,
- "syat-nasti, avaktavya" d'une certaine manière, ce n'est pas et c'est indescriptible, et
- "syat-asti-nasti, avaktavya" d'une certaine manière, c'est et ce n'est pas et c'est indescriptible.
Par exemple, un homme est le père, n'est pas le père, et est les
deux, sont des affirmations parfaitement intelligibles, si l'on comprend
le point de vue à partir duquel elles sont exprimées. Par rapport à un
garçon particulier, il est le père, par rapport à un autre, il n'est
pas le père, par rapport aux deux pris ensemble, il est le père et il
n'est pas le père. Comme les deux idées ne peuvent pas s'exprimer par
des mots en même temps, il peut être appelé indescriptible, puisqu'il
est le père et il n'est pas le père, ainsi de suite...
Cette doctrine de l'"anakantavada" n'est ni contradictoire
en soi, ni vague ou indéfinie ; au contraire, elle représente une vue
très sensée des choses, dans une forme systématisée.
De plus, cette doctrine est aussi appelée doctrine du «
sapta-bhangi" doctrine du prédicat septuple, parce que ces sept
modes d'expressions possibles peuvent être employées en décrivant
une chose.
Chapitre 4
La doctrine de la voie de la libération
A partir des principes de base de la philosophie jaïne, il est évident
que les pouvoirs inhérents à l'âme sont faussés par son association
avec la matière karmique. C'est pourquoi chaque personne se trouve dans
un état imparfait. La philosophie jaïne affirme aussi que le bonheur réel
et éternel ne sera obtenu, par une personne, que lorsque tous les "karmas"
seront ôtés de son âme et également que si un homme est imparfait
maintenant, il est tout à fait possible pour lui d'enlever les "karmas",
par ses efforts personnels, sans l'aide d'un agent extérieur.
Le plus grand des bonheurs c'est d'échapper au cycle des naissances
et des morts et d'être une âme libérée, c'est-à-dire d'obtenir
le "moksha". Ce monde est plein de souffrance et de trouble et il est
absolument nécessaire de parvenir au bonheur transcendantal, par une méthode
sûre. Quand le but a été fixé, une nouvelle question se pose de savoir
comment atteindre cet objectif. A cette question, le Jaïnisme a une réponse
précise. Il déclare, de façon catégorique, que "samyag-darshana"
la foi juste, "samyag-jnana" la connaissance juste et «
samyag-charitra" la conduite juste constituent ensemble la voie de
la libération. La foi juste, la connaissance juste et la conduite juste
sont appelées, dans la philosophie jaïne, "ratnatraya" ou "les
trois joyaux". Les trois ne sont pas des voies différentes mais forment
ensemble une seule voie. Ils doivent tous les trois être présents ensemble,
pour constituer la voie de la libération. Comme l'accent est mis sur les
trois de façon égale, et comme la "moksha-marga" la voie de la
libération est impossible sans comprendre les trois, il est évident que
la philosophie jaïne n'est pas disposée à admettre que l'un d'eux,
à lui tout seul, est un moyen de salut. C'est pourquoi elle déclare
avec force que, pour atteindre la libération, tous les trois doivent être
poursuivis simultanément. Il est dit que, de même que pour soigner une
maladie, la foi dans l'efficacité d'un médicament, la connaissance
de son emploi, et sa prise effective constituent ensemble les trois choses
essentielles, de même, pour assurer l'émancipation de l'âme, la foi
dans l'efficacité du Jaïnisme, sa connaissance et sa réelle observation
forment, ensemble, les trois choses absolument indispensables.
La voie de la libération est parfois comparée à une échelle, avec les
deux montants de côté et les barreaux au centre formant les marches. Les
montants de côté, ce sont la foi juste et la connaissance juste, et les
barreaux ou marches ce sont les étapes graduelles de la conduite juste. Il
n'est possible de monter à l'échelle que si tous les trois sont
solides. L'absence de l'un d'eux rend la montée impossible. Ainsi,
la poursuite simultanée de la foi juste, de la connaissance juste et de
la conduite juste est enjointe aux adeptes. Les doctrines éthiques du
Jaïnisme, à la fois pour les laïcs et pour les ascètes, sont basées
sur cette voie de la libération, comprenant la foi juste, la connaissance
juste et la conduite juste.
La foi juste
Des "trois joyaux", la foi juste vient en premier et forme la base sur
laquelle reposent les deux autres. Il est établi que l'on doit, par tous
les moyens possibles, atteindre d'abord la foi juste ou la conviction qui
est à la base des principes fondamentaux, parce que c'est seulement par
son acquisition que la connaissance et la conduite deviennent justes. La foi
juste signifie la conviction véritable et ferme dans les sept "tattvas"
dans les principes du Jaïnisme, tels qu'ils sont et sans aucune
notion fausse. La croyance que les Tirthankaras jaïns sont les vrais Dieux,
les "sastras" jaïns, les livres sacrés, la vraie écriture,
et les saints jaïns les vrais précepteurs, est appelée la foi juste. La
possession par une personne de cette foi est toujours considérée comme ce
qu'il y a d'essentiel dans ses efforts pour atteindre la libération. Il
est assuré de façon catégorique que l'ascétisme sans la foi est à
coup sûr inférieur à la foi sans l'ascétisme et que même quelqu'un
de basse caste qui possède la foi juste peut être considéré comme un
être divin. Ainsi, la foi juste a le pas sur la connaissance et la conduite
justes, parce qu'elle agit comme un pilote guidant l'âme vers le «
moksha" la libération.
La connaissance juste
En atteignant la foi juste il est considéré comme désirable de
s'efforcer d'obtenir la connaissance juste. Bien que la foi juste et la
connaissance juste soient contemporaines, il y a une relation claire de cause
à effet entre elles, exactement comme entre une lampe et sa lumière. La
connaissance juste est la connaissance qui révèle la nature des choses,
ni de façon insuffisante, ni exagérée, ni fausse, mais exactement comme
elle est et cela avec certitude. Cette connaissance doit être exempte de
doute, d'erreur et d'imprécision. Le Jaïnisme insiste sur le fait
que la connaissance juste ne peut pas être atteinte tant que la croyance
dans tout ce qui est à son opposé (la connaissance fausse) n'est
pas bannie.
La conduite juste
La conduite juste comprend les règles de discipline qui maîtrisent tous
les mouvements de la parole, du corps et de la pensée, qui affaiblissent
et détruisent toute activité liée aux passions et qui conduisent au
non-attachement et à la pureté. La conduite juste présuppose la présence
de la connaissance juste qui, elle-même, présuppose la foi juste. Par
conséquent, il est enjoint aux personnes qui ont atteint la foi juste et
la connaissance juste d'observer les règles de la conduite juste, car
la destruction de la matière karmique ne peut être réalisée qu'au
moyen de la conduite juste.
La conduite juste est de deux sortes, à savoir : "sakala-charitra"
la conduite parfaite ou sans réserve et "vikala-charitra" la
conduite imparfaite ou avec des réserves. La conduite parfaite est celle
observée par les ascètes, qui ont renoncé aux attaches avec le monde, et
la conduite imparfaite celle des laïcs encore empêtrés dans le monde.
Chapitre 5
Les doctrines éthiques
En même temps qu'il établissait la voie de la libération, le Jaïnisme
prescrivait des règles définies de conduite à suivre par les laïcs et par les
ascètes. Toutes sont dirigées vers le but principal d'atteindre la libération
de l'âme de la matière karmique. Ces règles ont été
définies de façon que toute personne puisse les suivre. Ainsi, ces règles
ont été divisées en deux catégories, à savoir :
- "sagara dharma" celles prescrites pour les laïcs, et
- "anagara-dharma" celles prescrites pour les ascètes.
Il est évident que les règles pour les laïcs sont moins rigides que
celles pour les "saints" les ascètes, parce que les laïcs n'ont
pas renoncé aux activités du monde pour gagner péniblement leur vie.
Les règles de conduite pour les laïcs
Les laïcs doivent observer douze "vratas" (voux) qui comprennent :
cinq "anuvratas" (petits voux) et sept "shilavratas" (voux
supplémentaires). Ces voux forment la partie centrale du code éthique jaïn
et par leur observance les laïcs peuvent faire des progrès constants dans
leur carrière spirituelle visant à l'atteinte de la libération finale.
Les "Anuvratas" les petits voux
Ces voux, au nombre de cinq, sont
- "ahimsa" l'abstention de violence ou de mal aux êtres vivants,
- "satya" l'abstention de paroles fausses,
- "asteya" l'abstention du vol,
- "brahmacharya" l'abstention de sexualité ou le manque de chasteté,
- "aparigraha" l'abstention d'avidité de biens terrestres.
Si ces voux sont strictement observés, ils sont appelés "mahavratras"
(grands voux) et naturellement ils sont destinés aux ascètes. Les laïcs
ne peuvent pas observer ces voux aussi strictement et par conséquent il leur
est demandé de les suivre aussi intensément que leurs conditions le leur
permettent. C'est pourquoi, les mêmes voux, lorsqu'ils sont observés
partiellement sont appelés "anuvratas" (petits voux).
Pour bien fixer ces voux dans l'esprit, il y a cinq sortes de "bhavanas"
de méditations correspondant à chacun et chaque fidèle doit les
pratiquer encore et encore. De plus, chaque fidèle doit méditer sur le
fait que les cinq fautes qu'il doit éviter dans ces voux sont de la douleur
personnifiée et sont, à la fois, dangereuses et de caractère répréhensible
dans ce monde. Bien plus, chaque adepte doit méditer sur les quatre vertus
qui sont basées sur l'observance de ces cinq voux :
- "maitri" l'amitié envers tous les êtres vivants,
- "pramada" le plaisir à la vue des êtres plus qualifiés ou plus avancés que soi sur la voie de la libération,
- "karunya" la compassion pour les affligés,
- "madhyasthya" la tolérance ou l'indifférence pour ceux qui sont impolis ou qui se conduisent mal.
L'observance des cinq "anuvratas" et la restriction de l'usage de vin,
de viande et de miel sont considérées comme les huit "mulagunas"
les vertus de base ou primaires du laïc. Pour minimiser le mal aux êtres
vivants, une abstinence complète de vin, de viande et de miel est recommandée
et chaque laïc doit nécessairement posséder les huit vertus primaires
ou fondamentales.
Ces cinq voux forment la base de l'éthique jaïne. Ils donnent une perspective
définie sur la vie et ils créent un type particulier d'attitude mentale.
L'essence profonde de la philosophie jaïne est transformée en action, sous
forme d'observance de ces cinq voux. Bien que ceux-ci paraissent n'être que
de simples abstentions de violence, de mensonge, de vol, de sexualité et
d'avidité pour les attachements terrestres, leurs implications sont vraiment
étendues et pénètrent toute la vie sociale des adeptes du Jaïnisme.
De plus, trois choses sont enjointes, en matière d'évitement des cinq fautes
de violence, de mensonge, de vol, etc. En premier lieu, une personne ne doit
commettre aucune faute personnellement, deuxièmement, elle ne doit pas
inciter d'autres à commettre de tels actes et troisièmement, elle ne doit
pas approuver leur réalisation par d'autres.
L'"himsa" (la violence) a été définie comme le fait de porter
atteinte aux vitalités, par manque de soin et d'attention. Mais son sens
n'est pas limité à cette définition seule. Le fait de percer, d'attacher,
de faire souffrir, de surcharger et d'affamer ou de ne pas nourrir comme
il convient, sont des formes d'"himsa" et, en tant que telles,
doivent être évitées.
L'"asatya" (la fausseté) en termes simples, c'est dire des mots
qui blessent. Mais, répandre de fausses doctrines, révéler des secrets et
des difformités aux autres, médire, réaliser de faux documents et des
contrefaçons sont des formes de fausseté, et l'on doit s'en abstenir.
Le "chaurya" (le vol) c'est prendre ce qui n'est pas donné. C'est
donner des instructions sur la méthode de commettre un vol, recevoir des
choses volées, ne pas appliquer la loi (par exemple, en vendant des
choses à un prix excessif), falsifier, avoir de faux poids et mesures,
tout cela ce sont des formes de vol et l'on doit s'en garder.
L'"abrahma" (la sexualité) est aussi de différentes formes.
L'entremise (arranger des mariages comme hobby), la gratification
non naturelle, les paroles voluptueuses, les visites à des femmes
mariées ou à des femmes non mariées immorales sont toutes des formes
de manque de chasteté ou de sexualité qui doivent être évitées.
Le "parigraha" (l'avidité pour les possessions terrestres)
consiste à désirer plus que ce qui est nécessaire pour un individu.
L'accumulation même d'articles nécessaires en grand nombre, l'expression
de l'admiration pour la propriété d'un autre, la cupidité et le changement
de proportions des possessions existantes, sont toutes des formes de
"parigraha" et doivent être rejetées. Ce vou d'"aparigraha" ou
"parigrahaparimana" recommande qu'un laïc fixe, au préalable, la
limite maxima de ses biens et ne la dépasse pas, sous aucun prétexte.
S'il lui arrive de gagner plus que cela, il doit le dépenser en actes
charitables, dont les meilleures formes reconnues sont la distribution
de médicaments, la propagation de connaissance, la disposition pour
sauver la vie de personnes en danger et la nourriture à ceux qui ont
faim et aux pauvres.
De tous ces cinq voux, la plus grande importance est donnée à l'"ahimsa"
la non-violence. Ce noble principe d'"ahimsa" a été reconnu par
pratiquement toutes les religions mais seul le Jaïnisme en a prêché la pleine
signification, à tel point que Jaïnisme et "ahimsa" sont devenus des
termes synonymes. Le Jaïnisme affirme avec force que "ahimsa parmo
dharmah" l'"ahimsa" est la plus haute religion. La philosophie
du Jaïnisme et ses règles de conduite sont basées sur les fondations
de l'"ahimsa" qui a été constamment suivi à sa conclusion logique.
C'est pourquoi, parmi les cinq voux principaux, la première place a été
donnée à son observance. L'"ahimsa" est considéré comme le vou principal
et les autres quatre simplement comme des détails du premier. Il est
déclaré que l'"himsa" la violence est incluse dans la fausseté,
le vol, l'impureté sexuelle et les possessions de biens. Ainsi, les cinq
voux principaux sont tous basés sur l'"ahimsa". C'est pourquoi il est
enjoint à chaque personne de ne pas commettre l'"himsa" (la violence)
sous aucun prétexte.
L'"himsa", la violence ou le mal, est considéré de trois sortes : la
violence physique qui recouvre le meurtre, la blessure et la souffrance
physique ; la violence dans les mots qui consiste à employer des paroles
blessantes et la violence mentale qui implique d'avoir de mauvais sentiments
envers les autres. De plus, l'"himsa" peut être commise, commandée
ou consentie
Un laïc n'est pas capable d'éviter tout cela de façon idéale, aussi on
attend de lui qu'il fasse le moins de mal aux autres. En vue de la vie
ordinaire des gens, la violence est classée de trois manières : d'abord,
la «grhrarambhi himsa" qui est la violence accidentelle, en creusant,
en broyant, en cuisant et autres activités essentielles à la vie de chaque
jour ; deuxièmement, l'"udaymi himsa" qui est la violence dans le travail,
quand un soldat combat, un agriculteur cultive le sol, etc. troisièmement,
la "virodhi hima" qui est la violence protectrice, lorsque l'on protège
sa vie ou celle d'un autre et son honneur contre des bêtes sauvages et des
ennemis, enfin quatrièmement la "sankalpi himsa" qui est la violence
intentionnelle, lorsque l'on tue des êtres vivants simplement pour tuer,
comme la chasse ou la boucherie. Un laïc ne doit s'abstenir totalement que
de la violence intentionnelle mais autant que possible aussi des autres.
C'est l'intention ou l'attitude mentale qui prévaut, plus que l'acte. Aussi,
doit on avoir le plus grand soin de garder ses intentions pures et pieuses
et s'abstenir de la violence intentionnelle.
"Shilavratas" les voux supplémentaires
Avec les cinq "anuvratas" (petits voux), il y a sept voux "shilavratas"
(voux supplémentaires). De même que les remparts protègent les villes, de
même les voux supplémentaires protègent les "anuvratas". C'est pourquoi,
pour pratiquer les "anuvratas", les "shilavratas" doivent aussi être
pratiqués par les laïcs. Ces sept voux supplémentaires sont les suivants :
- "digvrata" limiter sa vie durant son activité terrestre dans des points limités dans toutes les directions,
- "deshavrata" limiter le vou au-dessus dans un secteur défini,
- "anarthadanda-vrata" ne pas commettre des pêchés sans raison ou s'abstenir d'activités coupables gratuites,
- "samayika" consacrer chaque jour un moment particulier à la contemplation ou à la méditation de soi pour son avancement spirituel,
- "proshadopavasa" jeûner quatre jours dans le mois, c'est-à-dire le huitième et le quatorzième jour de chaque quinzaine,
- "upabhoga-paribhoga-parimana" chaque jour, limiter son plaisir de choses consommables et non-consommables, et
- "atithi-samvibhaga" ne s'alimenter qu'après avoir nourri les ascètes ou en leur absence les laïcs pieux.
Parmi ces sept voux, les trois premiers sont appelés "guna-vratas"
voux multiplicateurs, parce qu'ils augmentent la valeur des cinq "anuvratas",
et les autres "shiksha-vratas" voux disciplinaires, parce qu'ils
préparent à la discipline de la vie ascétique. Ainsi, les cinq "anuvratas",
les trois "guna-vratas" et les quatre "shiksha-vratas" constituent les
douze voux des laïcs. Il y a cinq "aticharas" défauts ou transgressions
partielles, pour chacun de ces douze voux, qui doivent être évités par ceux
qui les observent.
La trait le plus significatif de ces voux c'est qu'en les pratiquent, un laïc
participe virtuellement, jusqu'à un certain point, à la vie ascétique, sans
renoncer vraiment au monde. Il est clair que ces pratiques maintiennent un
lien étroit entre les laïcs et les ascètes, car les deux sont poussés par
le même motif et mus par le même idéal religieux.
En plus de ces douze voux, on attend d'un laïc, au dernier moment de sa vie,
qu'il procède au "sallekhana" à la mort paisible ou volontaire par
le jeûne. Un laïc doit non seulement vivre une vie disciplinée mais aussi
mourir bravement d'une mort détachée. Cette mort volontaire est à distinguer
du suicide, qui est considéré par le Jaïnisme comme un pêché lâche. Il est
indiqué que, lorsque l'on est en face d'une calamité, d'une famine, de la
vieillesse et d'une maladie pour laquelle il n'y a pas de remède, un laïc
pieux doit paisiblement abandonner son corps, en étant inspiré par un idéal
hautement religieux. C'est avec un esprit détaché et paisible qu'il doit
faire face à la mort, bravement et volontairement. Ce "sallekhana" s'ajoute
comme un vou particulier aux douze existants, pour un laïc. Comme les autres
voux, le "sallekhana" a aussi cinq "aticharas" transgressions
partielles, qui doivent être évitées.
Ces règles de conduite juste, prescrites pour les laïcs, ont été divisées
opportunément en onze "pratimas" stades ou étapes.
Ces "pratimas" forment une série de devoirs et de réalisations, dont le
niveau et la durée s'élèvent périodiquement et culminent finalement à une
attitude qui ressemble à celle du moine. Ainsi, les "pratimas" s'élèvent
par degrés et chaque étape comporte toutes les vertus pratiquées dans les
précédentes. La conception de ces onze "pratimas" montre, de la meilleure
manière, les règles de conduite pratiquées par les laïcs. Ces onze
"pratimas" sont les suivantes :
- "darshana pratima", posséder la foi parfaite, intelligente et bien raisonnée dans le Jaïnisme, c'est-à-dire avoir une connaissance solide de ses doctrines et de leurs applications dans la vie.
- "vrata pratima", entretenir le suivi des douze voux et du vou supplémentaire de "sallekhana".
- "samayika pratima", pratiquer la vénération régulièrement, en général pendant quarante-huit minutes, trois fois par jour.
- "proshadhopavasa pratima", jeûner régulièrement, en règle générale, deux fois par quinzaine de chaque mois lunaire.
- "sachitta-tyaga pratima", s'abstenir de manger des végétaux non-cuits, de cueillir des fruits d'un arbre et toutes choses semblables.
- "ratri bhojana pratima", s'abstenir de manger après le coucher du soleil.
- "brahamacharya pratima", maintenir sa pureté sexuelle en respectant le strict aspect de la chasteté et aussi en ne décorant pas sa personne.
- "arambha-tyaga pratima", abandonner ses engagements et ses occupations du monde.
- "parigraha-tyaga pratima", renoncer à sa richesse en divisant sa propriété entre ses héritiers et en s'entraînant généralement à supporter les épreuves qui correspondent à la vie ascétique.
- "anumati-tyaga pratima", augmenter la rigueur de sa vie dans la direction de l'ascétisme et s'abstenir même de donner un avis dans les matières relatives à la famille, à l'honneur, au travail, etc.
- "uddishta-tyaga pratima", après avoir renoncé à la vie de laïc, se retirer dans une forêt et adopter les règles établies pour la conduite des ascètes.
Un laïc sait que, suivant sa capacité et son environnement, il doit
procéder étape après étape et qu'une fois qu'il atteint la onzième,
il est pleinement préparé à pratiquer le cours sévère de la vie ascétique.
Les règles de conduite pour les ascètes
Lorsqu'un Jaïn observe, de façon consistante, les règles de conduite
prescrites pour les laïcs et spécialement lorsqu'il a franchi tous les
"pratimas", il est qualifié pour devenir un ascète. De cette façon, il
y a un lien étroit entre les deux ordres sociaux des laïcs et des ascètes.
L'ordre des laïcs (comprenant les femmes laïques) est préliminaire et dans
de nombreux cas préparatoire à l'ordre des moines (et des nonnes). Du fait
de cette relation étroite, nous trouvons que les règles prescrites pour les
laïcs et les ascètes ne diffèrent pas en sorte mais en degré. Les mêmes
règles de conduite observées par les laïcs doivent être suivies par les
ascètes avec pour seule différence que, tandis que les laïcs doivent les
suivre partiellement ou moins rigoureusement, les ascètes doivent le faire
complètement et de façon plus rigoureuse. Ainsi, les "anuvratas" les
petits voux des laïcs deviennent des "mahavratas", des grands voux,
lorsqu'ils sont pratiqués par les ascètes. Cela est manifeste, parce que
l'étape ascétique signifie le renoncement absolu au monde et le seul objectif,
à ce stade, c'est de consacrer toute son énergie à l'atteinte du "moksha",
de la libération. L'ascétisme est dans l'éducation spirituelle le cours
le plus élevé. C'est l'étape où de réels efforts sont faits pour arrêter
l'afflux des "karmas" et pour effacer ceux existants, en vue d'atteindre
la libération. Par conséquent, des règles de conduite très précises sont
prescrites pour les ascètes et ceux-ci doivent les observer sans aucune
faute ou transgression.
L'arrêt de l'afflux de la matière karmique fraîche dans l'Atman (l'âme)
est connu sous le nom de "samvara" et celui-ci est réalisé en suivant :
- trois sortes de «guptis", de contrôles,
- cinq sortes de "samitis", d'actes d'attention,
- dix sortes de «dharmas", de vertus,
- douze sortes d'«anuprekshas", de méditations ou de réflexions,
- vingt-deux sortes de "parishaha-jayas", de maîtrises des souffrances,
- cinq sortes de "charitras", de conduites.
Les "guptis"
L'afflux des "karmas" dans l'âme est causé par les activités du corps,
de la parole et de la pensée, aussi il est absolument nécessaire, pour les
ascètes, de garder ces canaux d'afflux sous un contrôle strict,
d'observer les "guptis". Les trois "guptis" sont des régulations avec
pour référence de contrôler sa nature intérieure, c'est-à-dire, qu'ils sont
dictés par les principes du contrôle de soi. Le premier de ceux-ci, c'est
le "mano-gupti", le contrôle de la pensée, de façon à ne laisser place
qu'à des pensées pures. Le second, c'est le "vag-gupti" le contrôle
de la parole, qui consiste à observer le silence pendant une période donnée
ou de ne parler que lorsque c'est absolument nécessaire. Le troisième, c'est
le "kaya-gupti", le contrôle de l'activité de son corps.
Les "samitis"
Il est possible que, même en effectuant les devoirs d'un ascète, les voux
puissent être transgressés par inadvertance. Donc, comme mesure préventive,
des "samitis" des actes d'attention sont prescrits. Les "samitis"
sont destinés à cultiver l'habitude de l'attention, en accord avec le
principe d'"ahimsa", de non-violence. Les "samitis" sont des
prescriptions pour le contrôle des mouvements du corps et de cinq sortes,
ainsi que suit :
- l'"irya-samiti" le contrôle de la marche, de façon à ne faire du mal à aucun être vivant,
- le "bhasha-samiti" le contrôle de la parole, pour éviter de blesser les sentiments des autres par des mots offensants,
- l'"eshana-samiti" le contrôle de la nourriture consommée, de façon à ne causer de mal à aucun être vivant,
- l'"adana-nikshepa-samiti" le contrôle des actions de prendre, d'utiliser ou de poser quoi que ce soit, et
- l'"utsarga-samiti" le contrôle des mouvements liés aux besoins naturels, etc.
Les trois "guptis" et les cinq "samitis" sont quelquefois groupés
ensemble sous le nom de "ashta-pravachana-matrika" "les huit
mères de la foi", en raison de leur caractère fondamental.
Les "dharmas"
C'est principalement dû aux "kashayas" aux passions si l'âme
assimile des "karmas". Les passions qui sont : "krodha" la
colère, "mana" l'orgueil, "maya" l'illusion et "lobha"
la cupidité, doivent être contrecarrées en cultivant les dix
"uttama dharmas" vertus suprêmes, suivantes :
- "uttama-kshama" le pardon suprême,
- "uttama-mardava" l'humilité suprême,
- "uttama-arjava" la franchise ou la droiture suprême,
- "uttama-shaucha" le contentement ou la pureté suprême,
- "uttama-satya" la sincérité suprême,
- "uttama-samyama" la maîtrise de soi suprême,
- "uttama-tapa" les austérités suprêmes,
- "uttama-tyaga" le renoncement suprême,
- "uttama-akinchanya" le non -attachement suprême,
- "uttama-brahmacharya" la chasteté suprême.
Ces dix vertus ensemble sont appelées "dashalakshana-dharmas"
les dix observances.
Les "anuprekshas"
En vue de cultiver l'attitude religieuse nécessaire, il est enjoint aux
ascètes de réfléchir constamment aux douze sujets religieux connus sous
le nom d'"anuprekshas" de méditations. Il est précisé que ces
méditations doivent être faites encore et encore. Ces "anuprekshas"
sont les suivantes :
- "anitya anupreksha" tout est sujet au changement ou transitoire.
- "asharana anupreksha" le manque de protection ou de secours. Le sentiment que l'âme n'est pas protégée du fruit des "karmas", par exemple, de la mort, etc.
- "samsara anupreksha" la situation dans le monde. L'âme se meut dans le cycle des existences et ne peut pas atteindre le bonheur, tant que ce cycle n'en est pas stoppé.
- "ekatva anupreksha" la solitude. Je suis seul l'auteur de mes actions et celui qui bénéficie de leurs fruits.
- "anyatva anupreksha" la séparation. Le monde, mes parents et mes amis, mon corps et mon esprit sont tous distincts et séparés de mon vrai soi.
- "ashuchi anupreksha" l'impureté. Le corps est impur et sale.
- "asrava anupreksha" l'afflux des "karmas" est la cause de mon existence dans le monde et c'est le produit de mes passions.
- "samvara anupreksha" l'arrêt. L'afflux des "karmas" doit être arrêté en cultivant les vertus nécessaires.
- "nirjara anupreksha" l'effacement. La matière karmique doit être détruite ou enlevée de l'âme par la pratique des pénitences.
- "loka anupreksha" l'univers. La nature de l'univers et les éléments qui le constituent dans toutes leurs vastes variétés prouvent l'insignifiance et le misérable néant de l'homme, dans le temps et dans l'espace.
- "bodhi-durlabha anupreksha" la rareté de la connaissance religieuse. Il est difficile d'atteindre la foi, la connaissance et la conduite justes.
- "dharma anupreksha" la réflexion sur la vraie nature de la religion et spécialement sur la triple voie de la libération, telle que prêchée par les vainqueurs (les Jinas).
Quelquefois, ces "anuprekshas" sont appelées des "bhavanas"
des contemplations.
Les "parishaha-jayas"
Pour rester fermes sur la voie de la libération et pour détruire la
matière karmique, les ascètes doivent supporter allègrement tous les
troubles que peuvent leur causer la distraction ou la souffrance. Ces
troubles ou épreuves, par lesquelles les ascètes doivent passer, sont
appelés des "parishahas" des souffrances. Il y en a vingt-deux,
auxquels les moines doivent faire face sans broncher. Ce sont :
- "kshudha" la faim,
- "pipasa" la soif,
- "shita" le froid,
- "ushna" la chaleur,
- "damshamashaka" les morsures d'insectes,
- "nagnya" la nudité,
- "arati" l'ennui ou l'environnement désagréable,
- "stri" la passion du sexe,
- "charya" la marche trop longue,
- "nishadya" l'inconfort d'être assis dans une même posture,
- "shayya" l'inconfort du repos ou du sommeil sur la terre dure,
- "akrosha" la censure ou la réprimande,
- "vadha" la blessure,
- "yachana" la mendicité,
- "alabha" la déception de ne pas avoir de nourriture,
- "roga" la maladie,
- "trina-sparsha" les piqûres d'épines ou d'herbes piquantes,
- "mala" la saleté du corps et les impuretés,
- "satkara-puraskara" le manque de respect manifesté par les hommes,
- "prajna" la non-appréciation du savoir,
- "ajnana" la persistance de l'ignorance,
- "adharshana" le manque de foi, par exemple, l'échec de l'obtention de pouvoirs surnaturels, même après une grande piété et de grandes austérités, le commencement du doute sur la vérité du Jaïnisme et ses enseignements.
Ces "parishahas" doivent être toujours endurées sans aucun sentiment de
vexation par les ascètes qui désirent se débarrasser de toutes les causes
de souffrance.
Les "charitras"
Les ascètes doivent aussi s'efforcer d'observer les cinq sortes de
conduite suivantes :
- "samayika" l'équanimité,
- "chhedopasthapana" le retour de l'équanimité après l'avoir perdue,
- "parihara-vishuddhi" la non-violence absolue et pure,
- "sukshma-samparaya" la libération complète des passions,
- "yathakhyata" la conduite idéale et sans passion.
Ces cinq sortes de conduites aident à maintenir la discipline spirituelle
des ascètes.
Avec le "samvara" l'arrêt de l'afflux de la matière karmique,
les ascètes doivent s'efforcer de réaliser le "nirjara" l'enlèvement
graduel de la matière karmique de l'âme, s'ils veulent progresser d'avantage
sur la voie de la libération. Le moyen principal du "nirjara" de
l'effacement des "karmas", c'est l'observance de "tapas" de
pénitences ou austérités qui est incluse dans la conduite juste.
Les "tapas"
Les "tapas", les pénitences, sont de deux sortes : a) les
"bahya tapas", les austérités externes, qui se rapportent à la
nourriture et aux activités physiques, et b) les "abhyantara tapas"
les austérités internes, qui se rapportent à la discipline spirituelle.
Chacune des deux est de six sortes.
- Les "bahya tapas" ou austérités externes, sont les suivantes : "anashana" le jeûne, "avamaudarya" manger moins que l'on le voudrait ou que l'on a de l'appétit, "vritti-purisamkhyana" le vou de n'accepter la nourriture d'un laïc que si certaines conditions sont remplies, sans laisser personne connaître en quoi consiste ce vou, "rasa-parityaga" renoncer chaque jour à l'une ou à plusieurs douceurs, à savoir : au "ghee" (au beurre clarifié), au lait, au caillé, au sucre, au sel, et à l'huile, "vivikta-shayyasana" s'asseoir et dormir dans un endroit écarté, sans êtres animés, et "kayaklesha" pratiquer des mortifications du corps aussi longtemps que le mental n'est pas dérangé.
- Les "abhyantara tapas" ou austérités internes, sont aussi de six sortes : "prayashchitta" expier ou confesser et se repentir de ses pêchés, "vinaya" avoir une conduite révérencieuse ou modeste, vaiyavrittya rendre service aux autres saints (ascètes), svadhyaya étudier les écritures, vyutsarga abandonner l'attachement au corps, et "dhyana" concentrer sa pensée.
Ces pénitences externes et internes montrent quelle vie rigoureuse de déni
de soi les ascètes doivent mener. L'ascète doit soutenir son corps avec un
minimum de nourriture et le faire travailler au maximum, pour atteindre
l'idéal spirituel. Dans le Jaïnisme, une technique élaborée de jeûne a
été établie et l'ascète est formé, tout au long de sa carrière, si
efficacement que lorsque l'heure de sa mort vient, il accepte volontairement
de jeûner et d'abandonner son corps, aussi facilement que s'il jetait un
vieil habit. L'ascète doit toujours s'exercer à jeûner en observant des
séries de jeûnes diversement organisés.
Parmi les pénitences internes, une signification particulière est attachée
à la "dhyana" à la méditation, parce qu'elle est considérée comme
l'exercice par lequel l'âme peut faire des progrès sur la voie de la
libération et détruire tous les "karmas". L'attachement pour le
bénéfice, et l'aversion pour les objets qui font du mal, doivent être
abandonnés pour atteindre la concentration d'esprit nécessaire à une
méditation réussie. Il est toujours dit avec force que la "shukla dhyana"
la méditation pure, conduit finalement l'âme à la libération, parce
que c'est un essai effectué pour la cessation complète des activités physiques,
verbales et mentales. Lorsque tout le stock des "karmas" est épuisé,
en suivant les règles de conduite établies par l'éthique jaïne, l'âme bondit
au sommet de l'univers où les âmes libérées demeurent pour toujours.
Chapitre 6
La pratique de la religion
La religion est le bonheur suprême, elle est faite d'abstention de violence
(envers les êtres vivants), de maîtrise de soi et de pénitence. Même les dieux
s'inclinent devant celui dont l'esprit lui reste toujours fidèle.
De la racine grandit le tronc de l'arbre, du tronc se dressent les branches
et de celles-ci les rameaux et les feuilles, puis les fleurs, les fruits et
le jus sont produits. De même, l'obéissance est la racine de l'arbre de la
religion et la libération le résultat suprême (c'est-à-dire le jus). C'est
par l'obéissance que l'on obtient rapidement et complètement la renommée
et la connaissance.
Tant que la vieillesse n'a pas commencé à faire souffrir ou que la
maladie n'a pas grandi ou que les sens n'ont pas décliné, on
doit pratiquer la religion.
Chaque jour qui passe ne revient jamais. Dans le cas d'un hommes qui
pratique l'irréligion, les jours passent sans lui apporter le moindre
fruit (bienfait). Chaque jour qui passe ne revient jamais. Dans le cas
d'un homme qui pratique la religion, les jours passent en lui apportant
beaucoup de fruits.
Dans le cas des êtres vivants, entraînés par le courant rapide de la
vieillesse et de la mort, c'est la religion qui est l'île, la terre ferme,
le refuge et le meilleur abri.
C'est la religion immuable, éternelle et permanente, exposée par les
Jinas. Par son intermédiaire, les éclairés ont atteint la perfection ;
les autres aussi l'atteindront, grâce à elle.
Chapitre 7
La valeur du contrôle de soi
On dit que le corps est le bateau et que l'âme est le marin. On
dit que le samsara, (l'existence dans le monde) est l'océan que
seuls traversent les grands sages.
On doit toujours garder son âme de tout mal, en ayant les organes
des sens contrôlés correctement. Lorsque l'âme n'est pas bien
gardée, elle prend le chemin qui conduit à la naissance et à la mort,
alors que bien contrôlée, elle devient exempte de tout le chagrin et
de toute la souffrance du monde.
Le Soi seul doit être maîtrisé, car c'est difficile de le
faire. Celui qui a maîtrisé son Soi devient heureux, tant dans ce
monde que dans le suivant.
Il vaut mieux que je me maîtrise moi-même, par le contrôle de soi
et par les austérités, plutôt que je sois maîtrisé par les fers et
les châtiments corporels.
Mon propre Soi est la rivière Vaitarani la rivière de l'enfer
avec de l'eau froide mordante. Mon propre Soi est l'arbre Kutashalmati
l'arbre de l'enfer aux feuilles piquantes. Mon propre Soi est
le Kamadhenu la vache qui satisfait le désir et mon propre Soi
est le parc Nandana le paradis.
Mon propre Soi est l'auteur et le non-auteur de la souffrance et
du bonheur dans ce monde. Mon propre Soi est mon (meilleur) ami ou mon
(pire) ennemi, suivant qu'il agit bien ou mal.
Un homme peut vaincre des milliers et des milliers d'adversaires
(mais cela n'a pas de réelle conséquence). Sa plus grande victoire
c'est seulement lorsqu'il parvient à vaincre son propre Soi.
Lutte avec ton (propre) Soi. Qu'y a t-il de bon à vaincre ses
ennemis extérieurs ? En vainquant son Soi, par les moyens de son propre
Soi, on obtient le vrai bonheur.
Les cinq sens et les quatre passions (la colère, l'orgueil,
la tromperie et la cupidité) sont tous difficiles à vaincre. Il est
également difficile de vaincre son propre Soi, mais celui qui l'a
maîtrisé a maîtrisé tout le reste, dans le monde.
Ayant commis une mauvaise chose sciemment ou sans le savoir, on doit
immédiatement la bannir et ne jamais la commettre une seconde fois.
Les dieux, les démons, les Gandharvas, les Yakshas, les Rakshasas
et les Kinnaras s'inclinent tous devant un moine chaste, qui observe
le difficile contrôle de soi.
Un homme pourrait donner par charité des milliers et des milliers
de vaches, chaque mois, mais bien meilleur que lui est l'homme qui ne
peut rien donner comme charité, mais qui observe seulement un contrôle
de soi parfait.
Le contrôle de soi est insipide comme manger un grain de sable et
pratiquer une pénitence toute la vie est aussi difficile que de marcher
sur le tranchant d'un glaive.
Dans ce monde, rien n'est vraiment difficile, pour quelqu'un qui
n'a pas de désirs.
O homme ! Vous contrôlez et vous maîtrisez mieux votre propre
Soi ? Ainsi seulement vous serez délivré des chagrins et de la
souffrance.
Je demande pardon à tous les êtres vivants. Puissent tous les êtres
vivants me pardonner. Je manifeste de l'amitié pour tous les êtres
vivants. Je n'ai d'inimitié pour aucun.
La colère détruit l'amour, l'orgueil met fin à la modestie,
la tromperie enlève les amis, alors que la cupidité détruit tout.
Toutes les âmes sont susceptibles d'assimiler des particules de
karma qui affluent dans les six continents. Le karma asservit l'âme
dans toutes ses parties et toutes les particules de karma asservissent
l'âme entière.
Dans ce monde, tous les êtres vivants souffrent de leurs actes
individuellement. Pour les actes qu'ils ont faits, ils obtiennent
la punition ou la renaissance. Personne ne peut échapper au fruit des
actions, excepté de souffrir à cause d'elles.
Dans ce monde ou dans le suivant, le pécheur souffre lui-même, cent
fois ou de différentes formes de punitions, de ce qu'il a infligé aux
autres. Les êtres vivants, dans le samsara (le cycle des existences dans
le monde) acquièrent toujours du karma frais (par leurs pensées, leurs
paroles ou leurs actions) et souffrent pour leurs mauvaises actions.
Comme un cambrioleur, pris dans la brèche d'un mur, périt par
l'acte qu'il a lui-même effectué (en faisant une brèche dans
le mur), de même les gens, dans cette vie et après leur mort (dans
leur vie suivante), ne peuvent jamais échapper au fruit des actions
effectuées par eux.
Un homme va, suivant son karma, quelquefois dans le monde des dieux,
quelquefois en enfer et quelquefois dans le monde Asura (le monde des
démons).
Les parents d'un homme n'agiront pas comme parents, au moment
où il récoltera le fruit de son karma, pour ce qu'il a fait dans
cette vie dans le monde pour les autres ou en commun pour lui-même
avec d'autres.
Ni son père, ni sa mère, ni ses amis, ni ses fils, ni ses parents
ne sont prêts à partager sa souffrance. Lui seul supporte la souffrance
lui-même. Le karma suit invariablement l'auteur seul.
Par conséquent, un homme sage doit connaître les diverses sortes
de karmas et s'appliquer à éviter tout nouveau karma et à détruire
tous karmas passés.
De même qu'un grand réservoir, lorsque son alimentation en eau
a été arrêtée, s'assèche graduellement, par la consommation de
l'eau et par l'évaporation, de même le karma, acquis dans des
crores de naissances antérieures, par un moine qui se contrôle bien,
est annihilé par les austérités effectuées, si toutefois il n'y
a pas de nouvel afflux de mauvais karma.
De même qu'une gourde (fruit) sèche, lorsqu'elle est couverte
de couches d'argile molle devient lourde et coule dans l'eau,
de même l'âme devient lourde du fait de l'afflux des karmas et
coule (renaît) dans les sortes de naissances basses. Mais, la même
gourde, lorsqu'elle est débarrassée des couches épaisses d'argile
(l'argile se dissolvant graduellement dans l'eau) devient légère
(ou atteint sa légèreté naturelle), et flotte à la surface de
l'eau. De même, les âmes libérées de tous les karmas (atteignent
leur état naturel) et vont au sommet du monde où ils résident de
façon permanente.
Chapitre 9
La voie de la libération
La foi juste, la connaissance juste et la conduite juste constituent,
toutes ensemble, la voie de la libération.
La libération arrive vite, pour ceux qui désirent l'avancement
de Soi, lorsqu'ils s'emploient sans cesse à suivre la triple voie
de la foi juste, de la connaissance juste et de la conduite juste.
On doit atteindre en premier, par tous les moyens possibles, la foi
juste, parce que c'est seulement par l'acquisition de celle-ci que
la connaissance et la conduite deviennent justes.
La connaissance juste, la foi juste, la conduite juste et les
austérités ; ceux qui suivent cette quadruple voie atteindront le
meilleur état d'existence (la béatitude finale).
Par la connaissance juste, on connaît la vraie nature des choses,
par la foi juste, on croit en elle, par la conduite juste, on contrôle
l'afflux du karma, et par les austérités, on atteint la pureté.
Sans foi juste, il ne peut pas y avoir de connaissance juste ; sans
connaissance juste il ne peut pas y avoir de conduite juste ou vertueuse
; sans conduite vertueuse il ne peut pas y avoir de délivrance ou de
libération du karma (de libération de l'asservissement) et sans
délivrance de l'asservissement karmique, il ne peut pas y avoir de
nirvana (de libération).
Ayant détruit leurs karmas passés, par le contrôle de soi et les
austérités, les sages avancent vers le but du moksha, qui est exempt
de tout chagrin et de toute souffrance.
Par la manifestation de la connaissance parfaite, par la soustraction
à l'ignorance et à l'illusion, par la destruction de l'amour et
de la haine, on obtient la libération qui est remplie de pur bonheur.
Chapitre 10
Les règles de conduite
Ne faites du mal à aucun être vivant !
Tous les êtres vivants aiment leur propre vie, aspirent aux plaisirs et
sont opposés à toute souffrance ; ils n'aiment aucune violence envers eux ;
tout le monde désire vivre et la vie est chère à tous les êtres vivants.
On doit traiter toutes les créatures comme des équivalents de son
propre Soi.
Voilà la quintessence de la sagesse des sages : ne faire du mal à
aucun être vivant. La non-violence envers les êtres vivants doit être
considérée comme le samaya l'essence de l'enseignement des écritures.
La non-violence est la religion suprême.
Si un homme tue des êtres vivants lui-même ou est la cause que d'autres
les tuent ou même s'il est simplement consentant à ce qu'ils soient tués,
il augmente son inimitié envers les êtres vivants.
Sachez et comprenez que toutes les catégories d'êtres vivants désirent
le bonheur. En tuant ces êtres, vous tuez vos propres âmes, et vous
renaîtrez encore et encore comme l'un d'eux.
L'impartialité ou l'équanimité envers tous les êtres vivants dans le monde,
qu'ils soient amis ou ennemis, et l'abstention toute la vie de faire du mal
aux êtres vivants, voila un vou difficile à observer.
Le tout premier principe de la religion c'est l'ahimsa (la non-violence
aux êtres vivants). Il doit être observé très scrupuleusement et parfaitement.
On doit se conduire envers tous les êtres vivants avec la maîtrise et le
contrôle qui conviennent.
Sachant que tous les maux et les chagrins viennent de la violence aux
êtres vivants, sachant, en plus, que cela conduit à une inimitié et à une
haine sans fin, et que c'est la cause d'une grande peur, un homme sage, qui
est devenu éveillé, doit s'abstenir de toute activité malfaisante.
Ne tuez pas d'êtres vivants d'aucune des trois façons (en pensée, en
parole ou en action). Si vous cherchez votre intérêt en étant sans désir
de fruit et en pratiquant un contrôle de soi complet, beaucoup sont devenus
parfaits de cette façon dans le passé, beaucoup le deviennent à présent,
et beaucoup le deviendront.
Toute violence, quelle qu'elle soit, aux vitalités matérielles ou
conscientes, causées par une activité passionnelle de la pensée, de la
parole ou du corps, est himsa.
Assurément, les non-apparitions de l'attachement et des autres passions
est ahimsa, et leur apparition est himsa.
La vérité est le principe divin suprême.
O homme ! Sache que la vérité est le principe fondamental ! L'homme
sage, qui reste toujours fidèle au commandement de la vérité, va au-delà
de la mort.
Toujours violent envers les êtres vivants, soit par égard pour lui ou
pour d'autres ou par colère ou par peur, il ne doit pas forcer aussi les
autres à dire un mensonge.
Un homme sage ne doit jamais dire des paroles coupables ou chercher à
excuser un péché, soit par colère, cupidité, peur ou plaisanterie.
L'himsa entre aussi, parfaitement, dans la tromperie.
Le troisième grand péché c'est de prendre ce qui n'est pas donné :
le vol. Cela cause de la douleur aux autres, endommage la vie,
est cause de péché, d'alarme et de souci pour les autres. C'est la
cause fondamentale de la cupidité pour la propriété des autres et
de l'avidité. C'est un acte vil et ignoble, censuré par le bien.
Il est cause de perturbation entre amis et êtres chers et donne
naissance aux passions et à la haine.
S'abstenir de prendre ce qui n'est pas donné, même un cure-dents,
etc. et n'accepter que des aumônes qui sont exemptes de toutes fautes,
voila un vou difficile à observer.
La prise d'objets qui n'ont pas été donnés est jugée comme étant un
vol et c'est de l'himsa parce que c'est la cause d'une violence.
La chasteté est le meilleur de tous les voux dans le monde.
La chasteté est la cause des austérités, des voux, de la connaissance,
de la foi, de la conduite, de la rigueur et de la discipline, qui sont
tous excellents.
Parmi toutes les austérités, la chasteté est la plus grande.
Le manque de chasteté est la cause de tous les péchés et d'une multitude
de grandes fautes.
Un moine chaste doit éviter une femme, même si ses mains et ses pieds
sont coupés, ses oreilles et son nez sont tranchés, et bien qu'elle soit
âgée de cent ans.
L'activité sexuelle a pour cause le désir et donc c'est de l'himsa.
Renoncer à tout sens de possession concernant la richesse, le blé et
les serviteurs, s'abstenir de toute entreprise malfaisante et ne pas
entretenir de sentiment de possession ou d'attachement : c'est un vou
très difficile.
Celui qui possède même une petite propriété de choses vivantes et
non-vivantes ou qui consent à ce que d'autres la possèdent ne sera jamais
délivré de la souffrance.
La propriété immobilière et mobilière, la richesse, le blé et autres
avantages, rien de cela n'est capable de délivrer un homme de la misère,
de la souffrance de la maturation de ses karmas.
Tout homme doit penser qu'il doit partir assurément un jour, laissant
derrière lui terre, maison, or, fils, femme et parents - en fait, en
laissant même son corps.
Si quelqu'un donnait la terre entière à un homme, cet homme ne serait
même pas satisfait. Une personne avide est extrêmement difficile à
satisfaire.
Lisant que la richesse augmente seulement vos chagrins et vos tracas,
et que les liens de l'attachement ou de la possession apportent dans
leur sillage de grands dangers, vous devez porter l'excellent joug de
la religion, qui vous donnera un vrai plaisir, et qui vous apportera
aussi le grand bonheur du moksha.
Le renoncement à toutes les possessions est ahimsa et l'appropriation
de toutes les possessions est himsa.
La souffrance est absente, dans le cas d'un homme sans illusion, et
l'illusion est absente, dans le cas de celui qui n'a pas de désir. Le
désir est absent, dans le cas de celui qui n'a pas d'avidité, et l'avidité
est absente, dans le cas de celui qui ne possède rien.
Chapitre 11
Les devoirs des ascètes
Un moine qui observe l'ordre et les commandements, qui manifeste le
respect qui convient aux plus anciens, et qui agit suivant les désirs
de son maître, est un moine discipliné.
Lorsqu'il est réprimandé, le moine sage ne doit pas être en
colère, mais avoir de l'indulgence. Il doit éviter la compagnie,
les plaisanteries et le jeu avec des personnes méprisables.
Les autres peuvent maltraiter un moine, mais le moine ne doit pas
se mettre en colère parce que, dans ce cas, le moine devient comme un
enfant et il ne doit pas se mettre en colère.
Le moine qui se discipline doit retirer avec force son esprit dirigé
vers un désir, une pensée violente ou un acte coupable.
En pensée, en mots ou en actes, un moine ne doit pas exercer
d'activité malfaisante envers les êtres qui vivent dans ce monde,
qu'ils soient mobiles ou immobiles.
Une nourriture bien présentée soulève rapidement les passions. Un
moine qui est résolu à pratiquer la chasteté doit toujours éviter
une telle nourriture.
Un moine, résolu dans la pratique du vou de chasteté, doit
s'abstenir d'ornements et ne doit absolument rien faire pour orner
ou décorer son corps d'aucune manière.
Un moine doit toujours s'abstenir de cinq choses agréables (des
objets qui donnent des plaisirs), à savoir : les sons, les couleurs,
les odeurs, les goûts et le toucher.
La vie ascétique de ceux qui sont absorbés dans le contrôle de soi
est comparable à la vie dans le ciel, tandis que la vie de ceux qui ne
pratiquent pas le contrôle de soi est comme la vie en enfer.
Mortifiez-vous, abandonnez le sentiment de tendresse pour votre corps,
vainquez vos désirs, alors vous réaliserez que vous avez vaincu tout
le chagrin et la souffrance ! Coupez toutes les sortes d'attachement
et supprimez la haine, alors vous serez heureux de l'existence en
ce monde.
Celui qui est désireux d'accumuler est un maître de maison et
non un moine.
Un moine doit toujours se concentrer sur la sorte de méditation la
plus élevée et la plus pure, être sans nidana (désir ardent des
gains du monde ou temporels, au lieu des austérités), ne doit rien
posséder et se mouvoir dans le monde en méprisant complètement son
corps, jusqu'à ce que le temps de la mort s'abatte sur lui.
Comment un moine, qui ne peut pas contrôler ses passions, qui est
toujours sous l'emprise de pensées qui distraient son attention,
et qui est découragé à chaque pas, peut-il arriver à pratiquer les
règles de l'ascétisme ?
Celui qui abandonne la mauvaise pensée de l'attachement aux objets
du monde peut seul abandonner les possessions. Lui seul est un moine,
celui qui a compris le réel danger dans le monde, et qui n'a pas
d'attachements terrestres.
Un moine ne doit pas se soucier pour dormir, doit éviter les
plaisanteries blessantes, ne doit pas s'intéresser aux secrets des
autres, mais doit toujours être occupé et consacré à ses études.
Un moine est sans aucune possession, sans égoïsme, sans attachement,
sans vanité ou suffisance, il est impartial envers tous les êtres
vivants, qu'ils soient mobiles ou immobiles.
Un moine est indifférent au succès ou à l'échec, au bonheur
ou au chagrin, à la vie ou à la mort, à la censure ou à la louange,
à l'honneur ou aux insultes.
Les moines éclairés, qui sont complètement désintéressés dans le
monde, qui sont assidus à recevoir des aumônes de différents endroits
et non d'un seul uniquement, et qui se contrôlent, sont comme des
abeilles. C'est pourquoi ils sont appelés de vrais moines.
Un moine ne doit pas manger eu égard au goût délicieux de la
nourriture, mais pour la subsistance de sa vie et de son corps, ne pas
être avide de douceurs, ni de bonne chère, doit restreindre sa langue
et être exempt d'avidité.
Si quelqu'un fait subir des sévices à un moine, il ne doit pas
être en colère après lui.
Celui qui ne raconte jamais d'histoires qui incitent aux querelles,
qui n'est jamais en colère, qui contrôle toujours ses sens, qui
est calme et serein, qui suit toujours avec fermeté les préceptes
établis pour observer le contrôle de soi, qui n'est jamais perturbé
et qui n'offense, ni n'insulte les autres, celui-la seul est un vrai
moine.
Un moine doit avoir de la compassion envers tous les êtres, doit
avoir une nature indulgente, doit être maîtrisé et chaste, et doit
éviter toutes les activités qui sont des péchés. Il doit se mouvoir
dans le monde avec tous ses sens correctement contrôlés.
Un moine ne doit pas utiliser de mots de critique derrière le dos
d'un autre, ni employer un langage déplaisant en présence d'un
autre. Il ne doit pas, non plus, user d'expressions déterminatives et
désagréables. Un moine qui se conduit ainsi est vraiment quelqu'un
d'estimable.
Conclusion
L'influence de Mahâvîra
Après avoir atteint l'omniscience à l'âge de quarante-deux ans, le
Tirthankara Mahâvîra erra dans différentes parties de l'Inde durant une période
de trente ans.. Il rencontra des gens de diverses sociétés urbaines, rurales
et tribales, et il prêcha les principes et les règles de conduite fixées par
le Jaïnisme. Sa personnalité et ses prédications créèrent un formidable
impact dans tous les esprits, spécialement chez les opprimés. Il leur
révéla non seulement la voie de la libération (le moyen de parvenir au
bonheur éternel), qui était leur but principal, mais il leur montra,
aussi, comment tous, quelles que soient leurs distinctions de classe ou
de statut, pouvaient atteindre cet objectif. La sincérité de ses propos,
ses moyens d'approche, sa méthode d'explication, sa divine parole et ses
doctrines philosophique et morale, attirèrent les gens à un tel point qu'avec
une ferme conviction de pensée, ils commencèrent à adopter la religion jaïne
comme laïcs ou comme ascètes. Le nombre d'adhérents confirmés à la religion
jaïne commença à augmenter considérablement. Ainsi, le Tirthankara Mahâvîra
ouvrit une ère nouvelle d'espoir et d'aspirations chez les gens ordinaires et
réussit à changer considérablement leur vie, leur horizon et leurs valeurs.
Il présenta plusieurs concepts nouveaux et des idées qui révolutionnèrent
tout le cours de leur existence. Son influence vint de la réalisation avec
succès d'un changement social et de ses arrangements institutionnels et
autres pour la perpétuation de son nouvel ordre social. Dans le but de
résoudre les problèmes urgents de l'époque, il fit plusieurs contributions
marquantes importantes au point de vue social qui sont brièvement esquissées
ici.
L'établissement de l'égalité sociale
La contribution la plus significative du Tirthankara Mahâvîra, dans le
domaine social, a été l'établissement de l'égalité entre les quatre "varnas"
(classes) qui prévalaient alors. Il réussit en organisant son grand nombre de
fidèles dans un ordre complètement différent de l'ordre brahmanique de la
période Védique.
La société Védique était composée de quatre classes, à savoir : les
brahmanes, les kshatriyas, les vaishyas et les shudras. On disait qu'ils
venaient de la bouche, des bras, des cuisses et des pieds du Brahman, le
Créateur. Les membres prétendus être à l'origine de ces divisions, et l'ordre
dans lequel ils étaient mentionnés, indiquaient leur statut dans la société
de l'époque. Le fait que les quatre classes étaient décrites comme d'origine
divine ne pouvait pas être prise comme une indication suffisante qu'elles
avaient une longue existence et qu'elles étaient bien définies. Non seulement
elles étaient distinctes et séparées, mais elles étaient affectées d'un
esprit de rivalité entre elles. Même dans les premiers temps Rig-Védiques,
la profession brahmanique avait commencé à s'attribuer une supériorité ou
un caractère sacré pour elle-même, et nous trouvons que des règles
particulières étaient prescrites pour les différentes classes. Ainsi,
le "Shatapatha Brahmana" stipule divers modes de titres pour les quatre
classes, différents degrés de politesse, comme "ehi", "agachchha",
"adrava" et "adhava". Le "Taittiriya Brahmana" recommandait aux
brahmanes le printemps pour la réalisation des sacrifices, aux kshatriyas
l'été, et au vaishyas l'automne. L'"Atharva Veda" déclarait, en termes
les plus forts, que l'insulte aux brahmanes et le vol de leur propriété
étaient des pêchés et avaient des conséquences périlleuses et ruineuses.
Cette extension démesurée des prétentions et des prérogatives de la classe
sacerdotale créait naturellement des clivages dans la société. Les kshatryas
avaient une position proche de celle des brahmanes, alors que les vaishyas
et les shudras étaient, par comparaison, négligés. Ainsi, la société Védique
était complètement figée par ce système de classes, en ce sens qu'une
importance démesurée était donnée à celle des brahmanes au détriment des
autres et que personne ne pouvait changer sa classe, qui était établie
sur la base de la naissance.
Contre ces pratiques choquantes, basées sur l'acceptation de l'inégalité
et sur la vaste observance d'une discrimination sociale, le Tirthankara
Mahâvîra lança son attaque. Il reconnut la division de la société en
quatre classes, mais fondées sur la nature des activités effectuées par
les gens et non sur leur naissance. Il donna une totale liberté à chacun
et à tous, y compris aux femmes et aux shudras, d'observer les pratiques
religieuses prescrites sans aucune exclusive et il admit tout un chacun dans
son ordre religieux. De cette façon, il ouvrit largement les portes du
Jaïnisme et il donna une égale occasion à chacun, sans considération de
classe ou de naissance, de pratiquer la religion suivant sa capacité.
Ceux qui suivaient la religion comme laïcs étaient connus sous les noms
de "shravakas" et de "shravikas" et ceux qui observaient la religion
totalement, en abandonnant tout et en devenant des ascètes, étaient appelés
des "sadhus" et des "sadhvis".
Après Mahâvîra, les Acharyas jaïns ne firent aucune distinction dans
le peuple sur la manière de suivre la religion et déclarèrent que le
système des "varnas", c'est-à-dire la division de la société en quatre
classes, était basé sur les différences dans les professions. A leur point
de vue, la naissance ne jouait aucun rôle pour déterminer la "varna" ou
la classe d'une personne particulière. En ce qui concerne la division de
la société en quatre "varnas", l'Acharya Jinasena dit (dans l'"Adi Purana"
parva 38, 45, 48) que toute l'humanité est venue à l'existence du fait du
"jati-narma-karma" et qu'elle a été divisée en quatre catégories de
brahmanes, de kshatriyas, de vaishyas et de shudras suivant les différences
dans les vocations qu'elles suivaient pour assurer leur existence. Ceux qui
observaient des voux des injonctions religieuses à un très grand degré,
étaient connus comme des brahmanes, ceux qui gouvernaient comme des kshatriyas,
ceux qui acquéraient de la richesse par des moyens justes des vaishyas et ceux
qui se maintenaient en ayant recours à des professions basses comme des shudras.
L'Acharya Ravishena affirme (dans son "Padma Purana" parva XI, 200, 203 et 205)
que ce n'est pas la naissance, mais l'activité qui détermine la classe dans la
société. Le caractère brahmanique des meilleurs ascètes, aussi bien que des
gens ordinaires, est considéré selon leurs actes et non selon leur naissance
dans la caste brahmanique. Aucune classe ne doit être méprisée. L'action seule
conduit à une bonne prospérité. Les dieux considèrent un "chandala" un
hors-caste, comme un brahmane, s'il suit le mode de vie religieux. Les
épithètes de classes et de "chandala", appliqués à l'humanité, sont connus
dans ce monde du fait des différences dans leurs modes de vie.
L'Acharya Amitagati aussi (dans son "Dharma Pariksha" parichchheda
XVII, 24-25, 31-33) n'attache aucune importance à la naissance et considère
le mode de vie comme déterminant la classe.
L'idée de différentiation de classes vient seulement des différences dans
les façons de vivre. Aucune classe n'a été établie comme la vraie ou réelle
classe brahmanique. En vérité, il y a une seule classe avec quatre divisions,
à savoir : brahmanes, kshatriyas, vaishyas et shudras et c'est la classe des
êtres humains. Ils ont ainsi été divisés à cause des différences dans leurs
façons de vivre. Les gens de bonne conduite atteignent le ciel, même s'ils
sont nés dans des familles basses, et les gens de mauvaise conduite et de
manque de contrôle vont en enfer, en dépit du fait qu'ils sont nés dans des
familles hautes. Une classe est formée en suivant un mode de vie particulier
et elle périt quand ce mode est abandonné ; c'est pourquoi les gens sages
doivent seulement respecter les façons de vivre. Les gens qui sont bons ne
doivent pas avoir d'orgueil dans aucune classe, car cela conduit à la
dégradation, mais ils doivent observer une bonne conduite qui peut leur
donner une position élevée.
Il est clair que la société, telle qu'envisagée par le Tirthankara Mahâvîra
et les autres Acharyas jaïns, était une société où les classes n'étaient pas
héréditaires et comme des compartiments étanches, mais où une liberté totale
était accordée aux gens d'en changer suivant leurs aptitudes propres. La
société n'était pas divisée en sections séparées distinctes et aucune
différentiation n'était faite dans le statut des classes. Toutes étaient
considérées comme des façons de vivre différentes et la plus grande
importance était attachée au caractère individuel et au mode de conduite.
Il n'y avait place pour personne de se considérer négligé ou dégradé, car
il était libre de suivre n'importe quelle profession qu'il aimait et il
pouvait observer tous les rites et toutes les pratiques religieuses avec
les autres.
Ainsi, la conception par Mahâvîra du système des "varnas" produisit un
impact de grande importance. Le principe d'égalité sociale entre les classes
était solidement établi et la mobilité entre elles considérablement augmentée.
Le critère de la naissance pour l'appartenance à une classe était de cette
façon supprimé. Cela eut un effet très salubre sur les conditions des
"shudras" qui étaient très déplorables en ce sens qu'ils étaient privés
d'éducation et de droits, sujets à un traitement inhumain et assignés à la
position la plus basse dans la société. Auparavant, les "sudhras" étaient
complètement méprisés en matière religieuse et diverses restrictions étaient
mises à leurs mouvements et à leurs façons de vivre. Les enseignements du
Tirthankara Mahâvîra leur apportèrent un grand soulagement, car les pratiques
de discrimination sociales envers eux furent totalement bannies. Il en résulta
l'apparition d'un statut social pour les gens piétinés. Visiblement, ce fut un
grand changement dans l'attitude sociale envers les non-Aryens et les masses
du commun. Petit à petit, une forte opposition se fit jour à la continuation
de la pratique de l'esclavage sous toutes ses formes. Les sentiments de dédain
et de reproche envers eux commença aussi à disparaître. Naturellement, les
masses furent extrêmement bénéficiaires car les pratiques de discrimination
sociale furent complètement bannies et des occasions d'améliorer leur sort
leur furent données.
L'indépendance de la domination des prêtres
En même temps, les enseignements de Mahâvîra affectèrent grandement la
position privilégiée dont jouissaient les brahmanes appartenant à la
profession de prêtres. Depuis la période Védique, les prêtres brahmanes
jouissaient d'un statut social élevé, de facilités politiques, de concessions
économiques, de facilités éducatives, d'une domination culturelle et de
privilèges religieux, à l'exclusion des autres classes. Du fait de cette
situation monopolistique, les prêtres brahmanes avaient une position
proéminente dans la société et utilisaient librement celle-ci pour exploiter
les gens dans divers domaines et spécialement en matière religieuse, qui était
de la plus haute importance pour eux. Visiblement, les prêtres brahmanes
étaient extrêmement heureux que se perpétue leur domination sur les gens du
commun et ils n'hésitaient pas pour cela à employer tous les moyens pour les
garder dans leur condition méprisée et pour les rendre entièrement dépendants
de leurs faveurs. Naturellement, le peuple menait une vie très basse, dans une
atmosphère de sévère mécontentement et de totale frustration.
Le Tirthankara Mahâvîra lança une attaque ouverte puissante sur la classe
des prêtres brahmanes et sur leurs pratiques ingénieuses utilisées pour
l'exploitation excessive du peuple. En même temps, il rendit sa religion
facilement accessible aux masses, et il donna d'égales facilités à tous de
la pratiquer, quelles que soient leurs classes d'affiliation. Il offrit une
promesse sûre à tous d'atteindre la libération, le but le plus élevé dans
leur vie, en observant les règles de conduite établies par la religion, et
non plus en suivant les différentes sortes de sacrifices réalisés par les
prêtres. Cette approche pratique et éthique de la religion, énoncée
vigoureusement et efficacement par le Tirthankara Mahâvîra, rendit le peuple
indépendant de la domination des prêtres, créa un sentiment de confiance en
soi et attira les gens du commun. Ainsi, l'opposition du Tirthankara Mahâvîra
fut contre la classe des prêtres brahmanes et les diverses tactiques employées
par eux pour l'exploitation des masses en s'arrangeant pour les garder
pratiquement ignorantes et entièrement dépendantes de leurs faveurs.
Cette forte opposition de Mahâvîra réduisit considérablement l'influence
et la domination exercée par la classe des prêtres. Mais il est évident que
cette opposition s'adressa à la classe des prêtres brahmanes et non à la
classe brahmanique en tant que telle. En fait, Mahâvîra apprécia toujours
les capacités intellectuelles des brahmanes. Il initia plusieurs d'entre eux
à la religion jaïne, admit plusieurs brahmanes érudits dans son ordre
ascétique et même nomma Indrabhuti Gautama, le maître brahmane le plus
instruit, comme son premier Ganadhara son apôtre ou disciple principal.
Il a déjà été mentionné que Mahâvîra donna son premier sermon soixante-six
jours après avoir atteint l'omniscience, seulement après avoir eu les services
du talentueux maître brahmane Indrabhuti Gautama, pour l'interprétation
convenable de ses prédications au peuple. De cette façon, le Tirthankara
Mahâvîra montra toujours du respect pour les connaissances et l'éducation
des brahmanes, mais il mena invariablement une forte et consistante attaque
contre leurs prêtres.
L'émancipation des femmes
Une autre contribution de nature distinctive du Tirthankara Mahâvîra,
sur le plan social, a été dans la direction de l'élévation du statut des
femmes. Dans la dernière partie de la période Védique, celles-ci avaient
été pratiquement réduites au statut des "shudras". Comme ces derniers,
elles étaient exclues du droit d'initiation et de la remise du cordon sacré
et considérées comme n'ayant pas à s'occuper des textes sacrés religieux.
Dans de nombreux passages, nous trouvons que les femmes et les "shudras"
étaient associés ensemble. Leur vue était considérée comme défavorable et
il était demandé aux gens d'éviter de voir les femmes, les "shudras", les
cadavres, etc. Ainsi, elles n'avaient pratiquement pas de place dans la vie
religieuse et comme telles elles étaient négligées et méprisées par le
peuple.
Cette basse position des femmes fut nettement changée par le Tirthankara
Mahâvîra, de multiples façons. Il enleva diverses restrictions qui leur
étaient imposées, spécialement dans la pratique de la religion. En fait,
il ne fit aucune distinction entre les hommes et les femmes dans l'observance
de celle-ci. Les règles de conduite prescrites pour les hommes et les femmes
furent exactement les mêmes. Les deux sexes reçurent les mêmes facilités dans
différentes matières religieuses, comme l'étude des textes sacrés,
l'observance des devoirs obligatoires, la pratique des voux, l'entrée
dans l'ordre ascétique, la pratique de la pénitence, la réalisation des
progrès spirituels, etc. Dans l'ordre religieux du Tirthankara Mahâvîra,
les hommes laïcs furent appelés des "shravakas" et les femmes laïques
des "shravikas", et les deux furent tout à fait libres d'observer leurs
devoirs religieux communs et de se préparer à adopter la vie ascétique,
le moment venu. De même, une liberté totale fut donnée aux femmes, comme
aux hommes, d'entrer dans les ordres ascétiques. Il ne fut pas interdit
au sexe féminin de pratiquer l'ascétisme. Le Tirthankara Mahâvîra montra
toujours cette attitude d'égalité envers les femmes et il les admit
librement dans son ordre ascétique, peu importe, pour leur admission,
qu'elles soient des épouses royales, des membres de l'aristocratie ou
qu'elles aient un rang ordinaire dans la société. Naturellement, beaucoup
de femmes nobles saisirent cette opportunité d'atteindre le salut en entrant
dans l'ordre ascétique jaïn. C'est pourquoi, dans l'organisation religieuse
du Tirthankara Mahâvîra, il y eut deux ordres d'ascètes : celui des ascètes
hommes ou "sadhus" et celui des ascètes femmes ou "sadhvis". On dit que
dans l'ordre religieux quadruple du Tirthankara Mahâvîra il y avait environs
14.000 "sadhus", 36.000 "sadhvis", 100.000 "shravakas" et 300.000
"shravikas". Cela montre que les femmes dépassaient les hommes dans les
deux catégories de laïcs et d'ascètes. C'est une indication claire que les
femmes furent très avides de tirer un grand avantage de l'opportunité qui
leur était offerte par le Tirthankara Mahâvîra. En fait, de nombreuses
femmes des familles royales et des proches parentes de Mahâvîra rejoignirent
l'ordre ascétique avec d'autres membres ordinaires. Par exemple, Chandana
et Jyeshtha, les deux jeunes sours de la reine Trishala, la mère de Mahâvîra,
et Yashasvati, la femme de leur oncle maternel entrèrent dans l'ordre
ascétique de Mahâvîra. Chandana assura même la position de supérieure des
"sadhvis" des nonnes. De cette façon, Mahâvîra réalisa l'émancipation
des femmes, en leur donnant des facilités semblables à celles des hommes
pour atteindre l'objectif le plus élevé de la vie, à savoir la libération.
Elles les employèrent au mieux et beaucoup d'entre elles se distinguèrent
comme enseignantes et comme prédicatrices.
De plus, l'indépendance religieuse donnée aux femmes eut des répercussions
dans d'autres domaines. Une égale facilité fut accordée aux femmes dans
diverses sphères d'actions sociales. Dans l'éducation, elles eurent le même
traitement que les hommes. La plus grande importance de transmettre
l'éducation aux femmes, comme aux hommes, fut réalisée dans le passé
ancien par Rishabhadeva, le premier Tirthankara, qui avait dit à ses deux
jeunes filles, Brahmi et Sundari, que "c'est seulement quand vous pourrez
vous orner de l'éducation que votre vie sera fructueuse, parce que de même
qu'un homme instruit est tenu en haute estime par les personnes éduquées,
une jeune fille éduquée occupe la plus haute position dans le monde féminin".
Suivant la tradition jaïne, une femme doit connaître soixante-quatre arts,
comme la danse, la peinture, la musique, l'esthétique, la médecine, la science
domestique, etc. Comme résultat de ce haut niveau d'éducation reçu par les
femmes, nous trouvons, dans la tradition jaïne, que beaucoup entrèrent dans
la profession d'enseignantes et restèrent célibataires toute leur vie pour
que leurs expériences spirituelles ne soient pas entravées. Il est rapporté,
dans la tradition jaïne, que Jayanti, une fille du roi Sahasranika de
Kaushambi, resta célibataire par amour de la religion et de la philosophie.
Lorsque Mahâvîra visita pour la première fois Kaushambi, elle débattit avec
lui de plusieurs questions difficiles et finalement devint une nonne. De même,
dans les périodes ultérieures de l'histoire, des femmes jaïnes non seulement
tinrent une place dans l'éducation féminine mais apportèrent aussi des
contributions originales à la littérature. Par exemple, avec les hommes,
les femmes jaïnes enrichirent la littérature kannada. Le nom le plus grand
parmi elles fut Kanti, qui, avec la grande poétesse Abhinava Pampa, fut une
des perles qui ornèrent la cour du roi Hoysala Ballal I (1100-1106 de notre
ère) dans le Karnataka. Elle fut une oratrice et une poétesse extraordinaire
qui termina les poèmes inachevés d'Abhinava Pampa dans la cour ouverte de ce
gouverneur. De même, une dame jaïne Avvaiyara, "la vénérable matrone" fut
une des poétesses les plus admirées de langue tamoule.
L'inculcation de la confiance en soi
La contribution de nature révolutionnaire du Tirthankara Mahâvîra
a consisté à changer complètement l'attitude du peuple envers Dieu, en
inculquant l'esprit de confiance en soi dans l'esprit du peuple. La
croyance courante, suivant l'idéologie Védique, était que ce monde
avait été créé par Dieu et que le contrôle des événements dans ce
monde était aussi opéré par lui. Cette croyance populaire engendrait
un sentiment de dépendance divine dans l'esprit des gens, parce que
ceux-ci croyaient fermement que Dieu pouvait tout faire et défaire
dans ce monde, suivant ses souhaits. Naturellement, ce sentiment créait
un sens de dépendance complète du peuple envers Dieu, dans la conduite
de leurs activités quotidiennes et pour s'assurer le bonheur dans ce
monde et dans le suivant. Visiblement, cet esprit de dépendance envers
Dieu poussait le peuple à trouver les voies et les moyens d'obtenir en
abondance ses faveurs, dans les domaines terrestre et spirituel, et aussi
d'éviter de lui déplaire, ce qui entraînerait non seulement diverses
difficultés dans le cours normal de la vie mais aussi conduirait à un
désastre total. En raison de cette attitude, le peuple commençait à avoir
une foi aveugle entière en ce Dieu omnipotent et, pour obtenir ses faveurs,
pratiquait certains rites et rituels à cet effet. Ces rites étaient si
élaborés qu'ils nécessitaient les services de prêtres, qui étaient supposés
avoir une connaissance spéciale de ceux-ci et qui étaient spécialement
autorisés à les réaliser de la façon qui convenait. Ainsi, tout le code
de conduite du peuple était entièrement dominé par la pratique de divers
rites tout le long de la vie et par les prêtres dont l'aide et l'assistance
étaient considérées comme absolument essentielles pour agir comme
intermédiaires entre le peuple et Dieu, pour s'assurer de lui les faveurs
désirées.
Le Tirthankara Mahâvîra manifesta une intense opposition à cette
attitude de soumission complète à Dieu par le peuple pour obtenir
l'objectif final dans la vie la libération. A cet égard, il
affirma avec force que ce monde est éternel et qu'il n'a pas été
créé par un pouvoir tel que Dieu, de même que les événements en ce
monde ne sont pas contrôlés par Dieu. Il proclama clairement que rien,
ici ou ailleurs, ne dépend des faveurs de Dieu, mais que tout dépend des
actions des hommes. Il déclara avec assurance que toutes les personnes,
quelles que soient leur classe, leur famille ou leur position, ont le
droit de réaliser leur salut, leur principal objectif dans la vie, en
comptant sur eux-mêmes et par l'observance d'un code moral de conduite
et non en réalisant simplement quelques rites, avec l'aide d'autres.
A cet effet, il établit une voie de libération consistant dans la foi
juste, la connaissance juste et la conduite juste et il invita les
gens à la suivre de leur propre initiative et efforts, sans l'aide
d'aucun intermédiaire. De plus, il fit bien comprendre au peuple la
théorie du "karma", qui est basée sur le principe de la confiance
en soi. Cette doctrine explique les raisons ou les causes qui conduisent
aux effets. Il affirma que tout ce qui arrive dans ce monde est le résultat
de diverses causes antérieures. Puisque l'âme individuelle est l'auteur des
actions, elle doit en supporter tôt ou tard les conséquences.
Il n'y a pas d'autre issue que celle-là. La responsabilité des conséquences
ne peut pas être changée, ni leur exemption accordée, par quelqu'un. L'âme
doit jouir des fruits des "karmas", dans cette vie ou dans les vies
suivantes. Il n'y a pas de salut si l'âme n'arrête pas l'afflux des
"karmas" et ne se débarrasse pas de ceux existants. Cela doit être
fait par ses propres efforts délibérés, sans attendre aucune aide d'un
agent extérieur, tel que Dieu. Il ne sert à rien de demander la faveur
de Dieu ou de son représentant, parce qu'ils n'ont pas le pouvoir de
déterminer les conséquences des "karmas", ni l'autorité de pardonner
les conséquences futures des actions passées.
Cette théorie du "karma" a été une partie originale et intégrale de
l'idéologie jaïne et le Tirthankara Mahâvîra a convaincu les gens de la
nécessité de l'adopter et de modeler leur vie entière sur son fondement.
Naturellement, il mit l'accent sur l'action individuelle et nia totalement
l'existence d'une distribution divine. Il affirma avec force que l'homme
est l'architecte de sa destinée et qu'il n'y a pas de pouvoir extérieur qui
puisse modifier les fruits de ses actions, bonnes ou mauvaises. Il assura
le peuple que l'atteinte de la libération, le principal objectif dans la
vie, est à leur portée et qu'il dépend entièrement de leurs efforts
personnels de marcher sur la voie de la libération. Ainsi, le Tirthankara
Mahâvîra désira que chaque individu devienne un vrai héros sur le champ de
bataille de la conquête de soi. Il inculqua un esprit de confiance dans le
peuple, à la place des sentiments de totale dépendance de Dieu. Ce changement
fondamental dans l'attitude apporta une modification primordiale dans le
cours de la vie des gens qui commencèrent à mettre plus l'accent sur les
aspects éthiques que rituels de leur conduite.
L'accent sur la non-violence
La contribution la plus distinguée du Tirthankara Mahâvîra consiste dans
sa grande accentuation sur l'observance de l'"ahimsa" de la
non-violence aux êtres vivants, par toutes les personnes, au niveau
maximum possible. L'"ahimsa" dans sa pleine signification a été
réalisée et prêchée par les trente-trois Tirthankaras qui ont précédé
Mahâvîra. En fait, la philosophie et les règles de conduite établies
par la religion jaïne ont été basées sur cette solide fondation, qui
a été étroitement et de façon consistante suivie jusqu'à sa conclusion
logique. C'est pourquoi le Jaïnisme est devenu synonyme d'"ahimsa" et
la religion jaïne est considérée comme la religion de l'"ahimsa".
L'importance de ce principe de base a été puissamment réitérée par le
Tirthankara Mahâvîra car les pratiques de commettre la violence, sous
différents prétextes, étaient endémiques à cette époque.
Durant la période Védique, la plus grande importance était attachée
à la réalisation de sacrifices, dans le but de s'assurer les faveurs de
Dieu et d'écarter sa colère. Ces sacrifices étaient très élaborés,
compliqués, et entourés de diverses restrictions. Ils devinrent un
trait régulier de la vie religieuse du peuple. Leur caractéristique
particulière c'était qu'ils s'accompagnaient habituellement d'abattage
d'animaux. Comme ces sacrifices étaient surtout des sacrifices d'animaux,
ils impliquaient la pratique de l'"himsa" d'une étendue considérable.
Avec cette pratique, la consommation de viande ou régime non-végétarien
était extrêmement populaire dans les différentes sections de la population.
Les peuples "rigvédiques", comprenant les brahmanes, étaient amateurs de
viande et pratiquement toutes les cérémonies importantes étaient
accompagnées d'abattage d'animaux. Des offrandes de viande étaient
fréquemment faites aux Dieux, et les adeptes, y compris les prêtres,
consommaient ces offrandes. La viande des vaches et des taureaux ne
semble pas avoir été exclue. C'était aussi une coutume de divertir un
hôte distingué avec de la viande de taureau ou de vache stérile. Aux
cérémonies de mariage, des boufs étaient tués pour nourrir les invités.
En fait, le sacrifice de vaches et de taureaux n'était pas seulement
facultatif, comme dans les cas de l'arrivée d'un hôte et d'un mariage,
mais obligatoire dans certaines occasions et cérémonies. Aux "shradhhas"
ou oblations périodiques aux mânes, le sacrifice de vaches était
recommandé, car des substances comme le riz, le seigle, le sésame,
les fruits, etc. satisfaisaient les mânes pendant un mois, la viande
de chèvres pendant six mois, alors que celle de bouf les satisfaisaient
pendant un an. La viande était obligatoire à l'"annaprashana" la
première alimentation solide d'un enfant et à partir de là jusqu'à la
mort et la crémation, le sacrifice d'animaux était nécessaire lors de
la plupart des occasions cérémonielles de la vie.
Le Tirthankara Mahâvîra s'opposa vigoureusement à la consommation de
viande et à la réalisation de rites sacrificiels, en propageant le
principe d'"ahimsa" de non-violence envers les êtres vivants.
En fait, dans toutes ses prédications, il mit invariablement l'accent
sur l'observance de l'"ahimsa", parce que ce principe est le résultat
logique de la théorie de base métaphysique jaïne que toutes les âmes
sont potentiellement égales. Par conséquent, il affirma que puisque
personne n'aime souffrir, on ne doit pas faire aux autres ce que l'on
ne veut pas que les autres vous fassent. Comme tous les êtres vivants
possèdent une âme, le principe de non-violence fut étendu à tous les
êtres vivants. Le Tirthankara Mahâvîra expliqua la doctrine de l'"ahimsa"
systématiquement et dans les plus petits détails.
Il considéra la blessure ou la violence de trois sortes : a) la violence
physique, qui couvre les faits de tuer, de blesser et de causer une souffrance
physique, b) la violence en mots considérée en usant des mots durs, et c) la
violence mentale qui implique d'avoir de mauvais sentiments envers les autres.
De plus, il dit clairement que la violence ou blessure doit être évitée de
trois façons, c'est-à-dire, ne doit pas être commise, commissionnée ou
consentie. Bien plus, parmi les cinq "vratas" principaux, la première
place fut donnée à l'observance de l'"ahimsa". Enfin, le vou de
non-violence fut considéré comme le vou principal et les autres quatre
simplement comme des détails de celui-là.
Toutes les prédications du Tirthankara Mahâvîra, considérant la stricte
observance, par chaque individu dans la société, du principe d'"ahimsa"
à un niveau maximum d'étendue possible, produisit de larges effets sur le
plan social. La pratique de réaliser des rites sacrificiels, et
spécialement l'abattage d'animaux, à l'occasion des sacrifices, tomba
considérablement en désuétude. De même, la mise à mort d'animaux pour
la chasse, les sports et la décoration fut grandement réduite. De plus,
l'abattage d'animaux et d'oiseaux, en vue d'utiliser leur viande comme
forme de régime, devint petit à petit impopulaire. De cette façon, la
violence aux êtres vivants fut grandement réduite et la pratique du
végétarisme fut adoptée par de larges sections de la population, dans
différentes régions du pays. Sous ce rapport, le Dr. N.K. Dutt (dans
son livre "Origin and growth of castes in India") observe que "le
sacrifice d'animaux avait été d'un si long standing parmi les Aryens
et que tel était le respect pour l'autorité des Vedas, qui rendaient
obligatoire de sacrifier avec des offrandes de viande, que l'abolition
des sacrifices, même de vaches, devint un très lent processus, affectant
seulement une très petite minorité, la section intellectuelle de la
population, et qu'elle n'aurait pas réussi du tout, si le Jaïnisme et
le Bouddhisme n'avaient pas accablé le pays et la masse de la population
avec les enseignements de l'"ahimsa" et de l'inefficacité des rites
sacrificiels".
Ainsi, le Tirthankara Mahâvîra insista sur le fait fondamental que
chaque être vivant a une sainteté et une dignité propres et que, par
conséquent, on doit les respecter comme l'on souhaite que sa propre
dignité soit respectée par les autres. Il mit aussi l'accent de façon
ferme sur le fait que la vie est sacrée, quelles que soient les espèces,
la caste, la couleur ou la nationalité. Sur cette base, le Tirthankara
Mahâvîra convainquit le peuple que la pratique de l'"ahimsa" est, à la
fois, une vertu individuelle et collective et il montra que la non-violence
a une force positive et un intérêt universel.
Comme ce principe imprègne la vie des Jaïns, leur culture se rapporte
à celle de l'"ahimsa". S'ils sont connus pour quelque chose, c'est pour
l'évolution de cette culture qu'ils pratiquent et propagent depuis les
temps anciens. L'antiquité et la continuité de cette culture sont surtout
dues aux incessants efforts des Acharyas des saints. Certes, les
Jaïns n'ont jamais été en grand nombre, mais ils ont eu une influence
certaine pour essayer de répandre cette culture parmi les masses. C'est
pourquoi, nous trouvons que les Etats du Gujarat et du Karnataka, qui
furent des forteresses jaïnes depuis l'origine, sont largement végétariens.
En fait, il est admis que comme résultat des activités des Jaïns, pendant
tant de nombreux siècles passés, l'"ahimsa" forme encore le substrat du
caractère indien dans sa globalité.
L'insistance sur la tolérance
Le plaidoyer du principe de la tolérance religieuse a été la contribution
caractéristique du Tirthankara Mahâvîra. Lorsqu'il promulgua la religion
jaïne, il ne dévalorisa jamais les autres religions et n'essaya jamais de
prouver qu'elles étaient fausses. En fait, il exposa les doctrines de
l'"anekantavada" des multiples aspects, et il montra qu'une chose
peut être considérée de nombreux points de vue. C'est pourquoi il
recommanda toujours au peuple de chercher la vérité de toute chose,
après avoir pris en compte plusieurs côtés ou aspects de cette chose.
Cela a élargi visiblement l'horizon des gens, car cela leur fait voir
une chose sous des angles différents. En même temps, le principe
d'"anakantavada" n'engendre pas de sentiments d'inimitié ou de haine
envers les adeptes d'autres religions, parce que l'on croit qu'elles aussi
peuvent avoir quelque vérité dans leurs points de vue. Ainsi, en énonçant
le principe d'"anekantavada", le Tirthankara Mahâvîra plaida celui de la
tolérance et assura qu'elle pouvait être appliquée aux activités
intellectuelles, sociales, religieuses et autres. Comme résultat, nous
trouvons que l'"anekantavada" a une grande portée sur la vie psychologique
et spirituelle de l'homme et qu'il ne se réduit pas à résoudre seulement
un problème ontologique. Ce principe a donné au philosophe la catholicité
de la pensée, en le convainquant que la vérité n'est le monopole de
personne, avec des barrières d'une religion confessionnelle. Il donne
aussi à l'aspirant religieux la vertu de tolérance intellectuelle, qui
est une partie de l'"ahimsa".
Les êtres humains ont une connaissance limitée et une expression
insuffisante. C'est pourquoi différentes doctrines sont insuffisantes.
De plus, elles sont des vues à sens unique de la vérité, qui ne peut
pas être dûment incluse dans des mots et des concepts. Le Jaïnisme a
toujours considéré qu'il est mauvais, sinon dangereux, de prétendre
qu'une croyance à sens unique représente la vérité. La tolérance est,
par conséquent, la caractéristique de l'idéologie jaïne, telle
qu'exposée par le Tirthankara Mahâvîra. Même les monarques et les
généraux jaïns ont laissé à cet égard des témoignages clairs et
recommandables à leur crédit. L'histoire politique de l'Inde ne
connaît pas de cas de persécutions, de la part des rois jaïns, même
lorsque les moines et les laïcs jaïns souffraient aux mains
d'extrémistes religieux de caractère fanatique. Le Dr. B.A. Saletore
a observé très justement à ce sujet que "Le principe d'"ahimsa"
a été partiellement responsable de la très grande contribution des
Jaïns à la culture hindoue concernant la tolérance. Quoi que
l'on puisse dire, concernant la rigidité avec laquelle ils maintinrent
leurs principes religieux, et la ténacité et l'adresse avec lesquelles
ils rencontrèrent et vainquirent leurs opposants dans les débats
religieux, on ne peut pas nier que les Jaïns ont défendu le principe
de tolérance plus sincèrement, et en même temps avec plus de succès
qu'aucune autre communauté, en Inde".
L'encouragement au bien-être social
En même temps que l'insistance maximum sur la réelle observance de
l'"ahimsa", le Tirthankara Mahâvîra a grandement étendu ses
implications. Il a insisté invariablement, à la fois, sur les
aspects positifs et négatifs de la non-violence. Il a plaidé fortement
afin que ce concept ne soit pas réduit seulement à son côté négatif,
c'est à dire au rejet de la violence envers les êtres vivants de
différentes catégories, mais qu'il soit constamment appliqué dans son
aspect positif, c'est à dire dans la direction de l'accroissement du
bien-être de tous les êtres vivants. Il a toujours incité chacun et
tous à porter une grande attention à la prospérité des autres, à montrer
un intérêt actif au bien-être des personnes dans le besoin et à faire
des démarches pratiques pour améliorer les conditions misérables des
êtres vivants affligés, comprenant les insectes, les oiseaux, les
animaux et les humains. Cet encouragement positif aux activités de
bien-être social a été la plus utile et la plus valable contribution
du Tirthankara Mahâvîra à la culture indienne.
Son approche humanitaire, pour diminuer les souffrances des êtres
vivants, a été incluse dans le vou d'"aparigraha" d'abstention
d'avidité des possessions terrestres. Ce vou est le cinquième des cinq
principaux qui doivent être suivis de façon régulière par tous.
L'"aparigraha" implique d'éviter la faute de "parigraha" qui
consiste à désirer plus que ce dont on a besoin. L'accumulation même
de choses nécessaires en grand nombre, l'expression de l'admiration
de la prospérité des autres, une cupidité excessive et le changement
des proportions des possessions existantes, sont toutes des formes
de "parigraha" d'attachement terrestre. Ce vou a pour but de
mettre une limite aux biens des individus, suivant leurs besoins et
leurs désirs. C'est pourquoi, il est souvent appelé
"parigraha-parimana-vrata" le vou de limite ses possessions
terrestres.
Le vou de "parigraha-parinama" est remarquable, car il vise
indirectement l'égalisation sociale, en évitant pacifiquement
l'accumulation de capital entre des mains individuelles.
Il recommande à un laïc de fixer, au préalable, la limite de
ses biens personnels et de ne les dépasser en aucun cas. S'il
lui arrive de gagner davantage, il doit le distribuer en dons
en actes charitables. Les meilleures formes de charités
prescrites par la religion jaïne sont :
"ahara-abhaya-bhaishajya-shastra-dana" le don de nourriture
à ceux qui ont faim et aux pauvres, le sauvetage des vies en danger,
la distribution de médicaments et la dispense de connaissance. Ces
actes charitables sont appelés "chaturvidha-dana" les
quadruples dons et il est enjoint aux laïcs qu'ils doivent faire
des efforts spéciaux pour les faire à ceux qui sont dans le besoin,
sans considération de caste ou de croyance.
Depuis les origines, les laïcs jaïns font de ces quatre dons à toutes
les personnes dans le besoin, l'un de leurs principes cardinaux. En fait,
cette aide a été étendue aussi à la protection et au bien-être des insectes,
des oiseaux et des animaux. Pour cela, les Jaïns ont créé des hospices, des
maisons de repos, des dispensaires et des institutions éducatives, partout
où ils étaient concentrés en grand nombre. Les "anna-chhatralayas"
les hospices ont été construits dans les centres de pèlerinages et autres,
pour le bénéfice des pauvres. Dans les "dharma-shalas" les maisons
de repos, des logements ont été mis à disposition, sans aucune charge ou à
des charges insignifiantes, dans les villes importantes, les cités et les
lieux de pèlerinage. Les "aushadhalayas", des dispensaires, fournissent
des médicaments gratuits aux personnes malades. Avec les dispensaires pour
les hommes, les Jaïns ont réalisé des institutions spéciales, connues sous
le nom de "pinjarapolas", pour la protection et les soins aux animaux et
aux oiseaux délaissés et affaiblis par l'âge. Lors des époques exceptionnelles
d'inondations et de famine, ces établissements exercent diverses activités
pour la protection des animaux. Il y a rarement des villes ou des villages,
au Gujarat et au Rajasthan, sans "panjarapolas", sous une forme ou une
autre.
Dans le développement de l'éducation, les Jaïns ont pris une grande part
dans celle des masses. Différents vestiges montrent qu'autrefois leurs
ascètes ont pris une large part à l'éducation des enfants, dans le sud
du pays, à savoir dans l'Andhra, le Tamil Nadu, le Karnataka et le
Maharashtra. A ce sujet, le Dr. A.S. Altekar observe, de façon exacte,
(dans son livre "Rashtrakutas and their times") qu'avant de commencer
à lire l'alphabet, les enfants devaient rendre hommage au dieu Ganesha,
en récitant la formule "Shri Ganeshaya Namah", ce qui est naturel dans
la société hindoue, mais que, dans le Deccan, même aujourd'hui, elle doit
être suivie par la formule jaïne "Om Namah Siddham", ce qui montre que
les maîtres jaïns du Moyen-Age avaient un contrôle de l'éducation des
masses si étendu que les Hindous, qui ont continué à enseigner les enfants,
utilisent encore cette formule jaïne, même après le déclin du Jaïnisme.
Actuellement, les Jaïns maintiennent rigoureusement leur tradition,
en effectuant gratuitement ces "chaturvidha-dana", ces quatre sortes
de dons, dans toutes les parties de l'Inde. De cette façon, le legs de
Mahâvîra continue jusqu'à ce jour.
Ainsi, il y a une immense valeur attachée au vou d'"aparigraha", du
point de vue social. En même temps, ce vou a eu une grande importance, en
préparant une attitude mentale convenable envers les possessions matérielles,
en formant une vraie échelle des valeurs et en développant un sens juste des
proportions pour les possessions individuelles. Ce vou insiste sur le fait
que l'on ne doit pas éprouver trop d'attachement pour ses propres possessions
et que l'on doit résister à toutes les tentations. Il enseigne que l'on peut
avoir des biens et des commodités pour satisfaire ses besoins, mais que l'on
ne doit pas se perdre dans la poursuite du gain matériel. De cette manière,
il insiste sur le fait que l'on ne doit pas se laisser aller à la cupidité,
à la vanité, à la luxure, etc. Ainsi, le vou d'"aparigraha" inculque une
attitude mentale particulière de maîtrise de soi face aux plaisirs, de
stoïcisme devant les tentations et de détachement des choses superflues
et surabondantes. Cette attitude de pensée est peut-être plus nécessaire
aujourd'hui qu'avant.
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