Jain
Livre 9
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Le Niyamasara
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Version 1.00 - 2015-10-13
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Ce texte de Kundakunda (1er siècle de notre ère) est l'une des ouvres les
plus représentatives de la foi Digambara. Ecrit en prakrit, il se compose de
12 chapitres et de 167 versets. Son titre comprend deux mots : niyama
(contrainte, règle, répression, observance) et sara (essence) on peut le
traduire par « l'essence de l'observance religieuse jaïne ».
1. M'inclinant avec respect devant le Jina valeureux qui, par nature,
possède la connaissance et la perception infinies et suprêmes, je vais
composer le Nyama Sara prêché par les Kevalis et les Shruta-Kevalis.
2. Dans les écritures Jaïnes, la voie et le fruit de la voie sont
décrits comme les deux parties. Les moyens de la libération constituent
la voie et la libération constitue le fruit.
3. En réalité, ce qui vaut la peine d'être fait c'est le Niyama,
et ça ce sont la foi, la connaissance et la conduite. En vue d'éviter
une déviation, le mot Sara a été spécialement ajouté.
4. Le Niyama c'est la voie de la libération et son fruit c'est le
Nirvana suprême. Chacun des trois moyens de la libération est à nouveau
décrit.
5. La foi dans les âmes parfaites, les écritures et les principes
c'est la foi juste. Ce qui est sans aucun défaut, et qui possède toutes
les qualités pures, c'est l'âme suprême.
6. Les défauts ce sont la faim, la soif, la peur, la colère,
l'attachement, l'illusion, l'anxiété, la vieillesse la maladie,
la mort, la transpiration, la fatigue, l'orgueil, l'indulgence, la
surprise, la somnolence et l'agitation.
7. Celui qui est sans aucun défaut, et qui possède la sublime grandeur,
telle que l'omniscience, est appelé Paramatma (l'âme la plus haute)
ou le Parfait. Celui qui n'est pas ainsi n'est pas Paramatma.
8. Les paroles qui sortent de sa bouche, pures et exemptes du défaut
d'inconsistance, sont appelées Agama (l'écriture). Dans cet Agama
les principes (tattvartha) sont énoncés.
9. L'âme, la matière, le principe du mouvement, le principe du repos,
l'espace, les substances qui ont une dimension et le temps, avec leurs
qualités et leurs modifications diverses, sont appelés ensemble les
principes (tattvartha).
10. L'âme est caractérisée par l'upayoga. L'upayoga c'est la
conscience vers darshana ou jnana. La jnana upayoga est de deux sortes :
swabhava jnana (la connaissance naturelle) et vibhava jnana (la connaissance
non-naturelle).
11-12. La connaissance naturelle est parfaite, sans l'assistance des
sens, et indépendante. La connaissance non-naturelle est de deux sortes. La
connaissance juste est de quatre sortes : la connaissance sensorielle
(mati jnana), la connaissance scripturale (shruta jnana), la connaissance
visuelle (avadhi jnana) et la connaissance mentale (mana-paryaya jnana). La
mauvaise connaissance est de trois sortes.
13. La perception attentive est de deux sortes : naturelle (swabhava
darshana) et son opposée non-naturelle (vibhava darshana). Ce qui est
parfait, sans l'aide des sens, et indépendant, est appelé naturel.
14. La perception non-naturelle est de trois sortes : oculaire
(chakshu darshana), non-oculaire (achakshu darshana) et visuelle (avadhi
darshana). La modification est de deux sortes : non-naturelle (vibhava
paryaya) et naturelle (swabhava paryaya).
15. Les états : humain, infernal, sous-humain et céleste sont dits
non-naturels. Les états sans les souffrances qui proviennent de l'effet
des karmas sont appelés naturels.
16-17. Les âmes humaines sont de deux sortes : celles nées dans
une région du travail et celles nées dans une région du plaisir. Les
âmes infernales doivent être connues comme étant de sept sortes, à
cause des régions. Les âmes sous-humaines sont dites de quatorze sortes
et les âmes célestes de quatre sortes. Leur exposé détaillé se trouve
dans l'écriture que l'on appelle « Loka-Vibhaga ».
18. Du point de vue pratique, une âme dans le monde provoque
l'asservissement des karmas matériels et subit leurs résultats mais,
du point de vue réel impur, l'âme crée et éprouve les activités de
la pensée produites par l'effet des karmas.
19. Du point de vue de la substance, toutes les âmes sont exemptes
des modifications sus-mentionnées ; mais, du point de vue de
la modification, elles possèdent des modifications naturelles et
non-naturelles.
Chapitre 2
Ce qui n'a pas d'âme (Ajiva)
20. La substance matière est de deux sortes : sous forme d' un
atome (paramanu) et sous la forme de molécules (skandha). Les molécules
sont de six sortes et l'atome de deux sortes.
21-24. Gros-gros, gros, gros-fin, fin-gros, fin et fin-fin sont les
six sortes de molécules. Les solides, comme la terre, la pierre, sont
constitués de molécules grosses-grosses ; les liquides, comme le ghee,
l'eau, l'huile, sont constitués de molécules grosses ; l'ombre,
la lumière du soleil, sont constituées de molécules grosses-fines. Les
objets des quatre sens (du toucher, du goût, de l'odorat et de l'ouïe)
sont des molécules fines-grosses. Les molécules karmiques, à condition
d'être fixées à l'âme, sont des molécules fines. Les autres sont
fines-fines.
25. Ce qui est la cause des quatre matières de base (la terre, l'eau, le
feu et l'air) doit être connu comme l'atome-cause (karana paramanu). La
plus petite partie possible d'une molécule doit être connue comme
l'atome-effet (karya paramanu).
26. La substance qui est le commencement, le milieu et la fin par
elle-même, inaccessible par les sens, et indivisible, doit être connue
comme un atome.
27. Ce qui possède un goût, une couleur, une odeur et deux touchers
a des qualités naturelles. Ce qui est tangible par tous les sens est dit,
dans la philosophie jaïne, avoir des qualités non-naturelles.
28. La modification qui est indépendante d'autres objets est la
modification naturelle (swabhava paryaya) et la modification dans la forme
moléculaire est la modification non-naturelle (vibhava paryaya).
29. Du point de vue réel, on dit qu'un atome est « une substance
matière », mais de l'autre (le point de vue pratique) le terme
« substance matière » a été appliqué à une molécule.
30. Les causes auxiliaires du mouvement et du repos, de l'âme et de
la matière, sont appelées, respectivement, le moyen du mouvement et le
moyen du repos. Ce qui est la cause auxiliaire qui donne de l'espace à
toutes les substances, à l'âme, etc. c'est l'espace.
31. Le temps pratique est soit de deux sortes, l'instant et le clin
d'oil (avali), soit de trois sortes (le passé, le présent et le
futur). Le temps passé est égal au nombre d'âmes libérées, qui ont
détruit leurs formes corporelles, multiplié par des clins d'oil que
l'on peut compter.
32. Les instants du temps pratique sont des fois infinies de nombre
d'atomes qui sont aussi des fois infinies de nombre d'âmes Les moments du
temps qui remplissent tout l'univers sont appelés le « temps »
réel.
33. Ce par quoi toutes les substances sont altérées dans
leurs modifications propres, c'est le « temps ». Les quatre
substances : le moyen du mouvement, le moyen du repos, l'espace et
le temps ont seuls leurs propres qualités et modifications naturelles.
34. Excepté le temps, les cinq autres substances sont connues comme
« des substances extensibles » (astikaya). Les substances
extensibles occupent de nombreuses unités spatiales, comme cela est
mentionné dans les écritures Jaïnes.
35-36. Les atomes de matière sont dénombrables, innombrables et
infinis. Assurément, il y a des points d'espace innombrables dans le moyen
du mouvement, dans le moyen du repos et dans chaque âme individuelle. Le
même nombre innombrable d'unités spatiales sont dans l'univers ;
dans l'autre (cad. le non-univers), il y a un nombre infini d'unités
spatiales. Il n'y a pas de possibilité d'extension dans le temps ;
par conséquent, il a seulement une unité spatiale.
37. La substance matière est matérielle ; tout le reste est
immatériel. L'âme a la conscience comme nature, tout le reste est
dénué de l'attribut de la conscience.
Chapitre 3
L'activité de la pensée pure (Shuddha Bhava)
38. On doit renoncer aux principes externes, l'âme, etc. On doit
absolument libérer son âme de toutes les modifications et de tous les
attributs causés par l'impureté des karmas.
39. Du point de vue réel, il n'y a dans l'âme ni d'étapes,
ni d'activités impures de la pensée (vibhava swabhava sthana), ni de
degrés de respect et d'irrespect, ni de grades de sentiments de plaisir,
ni de grades de sentiments de douleur.
40. Dans l'âme, il n'y a ni d'étapes de durée d'asservissement
(sthiti bandha sthana), ni d'étapes de nature karmique (prakriti sthana),
ni de degrés d'asservissement moléculaire (pradesha sthana), ni de
niveaux de fructification de l'asservissement (anubhaga sthana), ni de
degrés d'opération des karmas (udaya sthana).
41. Dans l'âme, il n'y a ni d'étapes d'activités de pensée
destructives (kshayika bhava), ni de degré d'activités de pensée
destructives résiduelles (kshaya opashamica bhava), ni de degré
d'activités de pensée opérantes (audayika bhava) , ni de degré
d'activités de pensée résiduelles (aupashamika bhava).
42. Dans l'âme, il n'y a ni errance dans les quatre états de la vie
(gati), ni de naissance, de mort, de maladie et de tristesse, ni d'étapes
de matières corporelles (kula), de noyaux (yoni), de classes d'âme
(jiva samasa) et de quêtes d'âme (margana).
43. L'âme est sans agitation, sans corps, sans peur, indépendante,
sans faute, sans attachement, exempte d'activités de la pensée, du
corps et de la parole, dénuée d' illusion et exempte d'ignorance.
44. L'âme est sans possession, sans attachement, sans tache, sans
aucun défaut, sans désir, sans colère, sans orgueil et sans luxure.
45. On ne trouve dans l'âme ni couleur, ni goût, ni odeur, ni
toucher, ni état femelle, mâle ou mixte. Les six sortes de silhouettes
corporelles et les six sortes de squelettes ne sont pas trouvées dans
l'âme.
46. Sachez que l'âme est sans goût, sans couleur et sans odeur,
non connaissable par les sens, qu' elle possède l'attribut de la
conscience silencieuse, qu'elle est incompréhensible par le moindre
signe extérieur et qu'elle n'a pas de forme descriptible.
47. De même que les âmes libérées sont exemptes de vieillesse, de
mort et de naissance et sont dotées des huit qualités, de même sont les
âmes dans le monde, du point de vue réel pur.
48. De même que les âmes libérées qui résident au sommet de
l'univers sont sans corps, indestructibles, indépendantes de sens,
exemptes de salissure karmique et pures, de même, les âmes dans le monde
doivent être considérées ainsi, du point de vue réel pur.
49. Du point de vue pratique, toutes les âmes dans le monde ont été
décrites comme possédant toutes les qualités ci-dessus citées, mais
du point de vue réel pur, elles sont aussi de même nature que les âmes
libérées.
50. Toutes les qualités citées ci-dessus se rattachent à des substances
étrangères ou à des modifications étrangères ; donc on doit y
renoncer. Le principe interne est sa propre substance c'est à dire. l'âme. Elle
seule doit être réalisée.
51. La conviction dans les choses affirmées telles qu'elles sont,
seules, sans aucun motif faux, c'est la foi juste (samyak darshana). La
connaissance exempte de doute (samashaya), de perversion (vinoha) et
d'indécision (vibhrama), c'est la connaissance juste (samyak jnana).
52. La conviction sans faiblesse (chala), sans impureté (mala) et
avec constance (agarha) est seule la foi juste. La compréhension correcte
(adhigama) des principes auxquels il faut renoncer et de ceux qui valent
la peine d'être réalisés, c'est la connaissance juste.
53. Les causes externes de la foi juste sont les écritures Jaïnes et
les personnes qui les connaissent ; alors que la destruction du
karma qui fausse la foi juste sont dites être les causes internes.
54. Ecoutez, de même que la foi juste et la connaissance juste sont les
causes de la libération, de même l'est la conduite juste. Par conséquent,
je décrirai la conduite juste des deux points de vue réel et pratique.
55. La conduite juste, du point de vue pratique, c'est la pratique
des austérités du point de vue pratique, alors que la conduite juste,
du point de vue réel, c'est d'observer les austérités du point de
vue réel.
Chapitre 4
La conduite juste pratique (Vyavahara Charitra)
56. L'activité de la pensée exempte de toutes entreprises nuisibles
envers toutes les âmes qui sont dans le monde, connues comme existant dans
l'une des diverses formes physiques, noyaux, classes d'âmes, quêtes
d'âmes, etc., c'est le premier vou de non-violence (ahimsa).
57. Un saint (un ascète), qui renonce à l'activité de la pensée qui
conduit à dire un mensonge, du fait de l'illusion, de l'attachement
et de l'aversion, est dit observer toujours le second vou de vérité
(satya).
58. Celui, qui renonce à l'activité de la pensée qui conduit à
prendre des choses qui appartiennent à un autre, qu'il vive dans un
village, une ville ou une forêt, est dit observer le troisième vou
d'honnêteté (achaurya).
59. Celui, qui ayant vu la beauté d'une femme, n'est pas mû par
un désir pour elle ou dont l'activité de la pensée est exempte de
sentiment pour les êtres sexués (maithuna sanjna), est dit observer le
quatrième vou de chasteté (brahmacharya).
60. Celui, qui supporte le poids de la conduite juste cad. un saint,
qui, ayant eu en premier l'idée de ne pas être concerné par tous les
attachements au monde, renonce à eux, est dit observer le cinquième vou
de non-possessivité (parigraha tyaga).
61. Un saint qui suit une voie fréquentée, exempte d'êtres vivants,
le jour, après avoir regardé attentivement devant lui, sur une distance
de la longueur de nos bras (deux yards), est dit observer l'attention en
marchant (irya samiti).
62. Celui, qui ayant renoncé à médire, à ridiculiser, et à dire du
mal des autres, à se vanter et à dire des paroles dures, qui parle de ce
qui est bien pour lui et pour les autres, est dit faire attention à ses
paroles (bhasha samiti).
63. Celui, qui prend calmement la nourriture qui n'est pas préparée
par lui, ni qui n'a pas fait préparer par d'autres pour lui, ni qui
n'a pas été préparée avec son approbation par d'autres et qui est
saine, exempte d'êtres vivants et donnée par un autre avec dévotion,
est dit faire attention en mangeant (eshana samiti).
64. Un saint qui a agi avec soin en prenant et en posant des livres,
un seau (kamandalu), etc. est dit faire attention en prenant et en posant
(adana nikshepana samiti).
65. Un saint qui évacue ses excréments dans un endroit qui est
secret, exempt d'êtres vivants et où il n'y a pas d'objection de
quiconque, est dit faire attention en excrétant (pratishthapana samiti).
66. Le renoncement à la passion, à l'illusion, au sentiment animé,
à l'attachement et à l'aversion, ainsi qu'aux autres activités
impures de la pensée, est appelé, du point de vue pratique, le contrôle
de l'esprit (mano gupti).
67. Le renoncement au commérage censurable sur les femmes, l'état, le
vol, la nourriture, etc. qui provoque l'asservissement des mauvais karmas
ou l'abstention de dire des mensonges, est appelé le contrôle de
la parole (vachana gupti).
68. Le renoncement aux mouvements du corps, tels qu'attacher, percer,
battre, contraindre, enfler, etc., est appelé le contrôle du corps (kaya
gupti).
69. Du point de vue réel, sachez que, s'abstenir d'attachement,
c'est le contrôle de l'esprit, et que l'abstention du mensonge,
ou le silence c'est le contrôle de la parole.
70. Du point de vue réel, s'abstenir des mouvements du corps, n'avoir
pas d'attachement au corps, réfréner le corps ou renoncer à faire du
mal, etc., est appelé le contrôle du corps.
71. Les vénérables Seigneurs (Arhats) sont ceux qui sont entièrement
libérés de tous les quatre karmas destructeurs, qui possèdent les
qualités les plus élevées, l'omniscience, et qui sont couronnés
des trente-quatre gloires extraordinaires (atishaya).
72. Les âmes, qui ont détruit l'asservissement des huit karmas,
qui possèdent les huit grandes qualités, qui résident au sommet de
l'univers et qui sont les plus exaltées et les plus indestructibles,
sont les âmes parfaites (Siddhas).
73. Les saints, qui possèdent les cinq sortes de conduite, qui ont
piétiné la furie de l'éléphant des cinq sens, qui sont fermes dans
leur détermination et qui sont profonds dans la vertu, sont appelés les
Chefs de l'ordre des saints (Acharya).
74. Les saints, qui sont courageux, qui possèdent les trois joyaux,
qui prêchent les catégories énoncées par le Vainqueur (Jina) et qui
sont dotés de l'activité de la pensée du manque de désir, sont connus
comme les précepteurs (Upadhyaya).
75. Ceux qui sont sans aucune des occupations du monde, toujours
profondément absorbés dans les quatre sortes de contemplations (aradhana),
sans possession, ni illusion, sont appelés les saints (Sadhus).
76. Du point de vue pratique, toutes les méditations sus-mentionnées
constituent la conduite juste ; ce qui est connu comme la conduite
juste, de ce point de vue, sera décrit plus loin.
Chapitre 5
Le repentir (Pratikramana)
77. Je ne suis ni de condition infernale, ni sous-humaine, ni humaine,
ni céleste. Je ne suis pas l'auteur, je ne fais pas faire par d'autres,
et je n'approuve pas les auteurs.
78. Je ne suis dans aucune des quêtes d'âme, dans aucune des étapes
spirituelles et je n'appartiens à aucune des classes d'âmes. Je ne
suis ni l'auteur, ni celui qui fait faire par d'autres, ni je ne suis
l'approbateur des auteurs.
79. Je ne suis ni un enfant, ni un jeune, ni un vieux, ni leur cause. Je
ne suis ni l'auteur, ni je ne fais faire par d'autres, ni je ne suis
l'approbateur des auteurs.
80. Je ne suis ni l'attachement, ni l'aversion, ni l'illusion, ni
leur cause. Je ne suis ni l'auteur, ni je ne fais faire par d'autres,
ni je ne suis l'approbateur des auteurs.
81. Je ne suis ni la colère, ni l'orgueil, ni la tromperie, ni la
cupidité. Je ne suis ni l'auteur, ni je ne fais faire par d'autres,
ni je ne suis l'approbateur des auteurs.
82. En pratiquant l'analyse de soi, une âme parvient à l'équanimité
et ainsi atteint la conduite juste. En vue de fortifier cette conduite,
je parlerai du repentir.
83. Celui, qui laissant de côté toutes les formes de parole et qui
s'étant débarrassé des activités impures de la pensée, telles que
l'attachement, médite sur son âme, est dit, du point de vue réel,
avoir le repentir (pratiktamana).
84. Celui, qui évitant toutes les sortes de transgressions
particulièrement, est absorbé dans la contemplation de soi, est dit avoir
le repentir, parce qu'il est lui-même l'incarnation du repentir.
85. Celui, qui évitant toutes les sortes de manque d'inclination pour
la conduite, est absorbé dans la conduite de soi, est dit avoir le repentir,
parce qu'il est lui-même l'incarnation du repentir.
86. Celui, qui évitant la mauvaise voie, marche fermement sur la voie
juste des Vainqueurs (Jinas), est dit avoir le repentir, parce qu'il est
lui-même l'incarnation du repentir.
87. Un saint, qui évitant toutes les activités épineuses de la pensée,
bénéficie des modifications de seulement une activité de la pensée sans
tâche, est dit avoir le repentir, parce qu'il est lui-même l'incarnation
du repentir.
88. Un saint, qui évitant les activités non contrôlées de la pensée,
est absorbé dans le triple contrôle de la pensée, du corps et de la parole,
est dit avoir le repentir, parce qu'il est lui-même l'incarnation du
repentir.
89. Celui, qui évite les pensées de souffrance et de mauvaise volonté
et qui entretient des pensées droites et pures, est dit avoir le repentir,
dans les aphorismes délivrés par les Vainqueurs (Jinas).
90. Les activités impures de la pensée, telles que la foi fausse,
ont été expérimentées depuis l'éternité par une âme dans le
monde, mais les activités pures de la pensée, telles que la foi juste,
n'ont jamais été expérimentées par cette âme.
91. Celui, qui ayant complètement renoncé à la foi fausse, à la
connaissance fausse et à la conduite fausse, médite sur la foi juste,
la connaissance juste et la conduite juste, est dit avoir le repentir.
92. L'âme est une catégorie suprême. Les saints absorbés en elle
détruisent les karmas ; par conséquent, seule la concentration de
soi est le repentir du niveau le plus élevé.
93. Un saint, absorbé dans la concentration de soi, renonce à tous
les défauts. Par conséquent, seule la concentration de soi constitue le
repentir de toutes les transgressions.
94. Celui, qui ayant compris les modes du repentir, tels que relatés dans
l'écriture connue sous le nom de « Pratikramana Sutra »,
médite sur eux, est alors dit avoir le repentir, du point de vue
pratique.
Chapitre 6
Le renoncement (Pratyaichyana)
95. Celui qui, ayant abandonné toutes les formes de parole et qui
s'étant détaché lui-même de toutes les activités futures, bonnes
ou mauvaises, de la pensée, médite sur son âme, est dit avoir le
renoncement.
96. Ce qui, par nature, connaît tout, perçoit tout, a tout pouvoir
et tout bonheur c'est « je ». Un vrai connaisseur doit se
réaliser lui-même ainsi.
97. Ce qui n'abandonne jamais sa propre nature et qui n'assume jamais
aucun aspect d'une autre nature, mais qui connaît et perçoit tout,
c'est « je ». Un vrai connaisseur doit se réaliser lui-même
ainsi.
98. L'âme, qui est libre des quatre sortes d'asservissement
karmique : par les karmas (prakriti), par la durée (sthiti),
l'intensité de la fructification (anubhaga) et moléculaire (pradesha),
c'est « je ». Un vrai connaisseur doit se réaliser lui-même
ainsi et doit rester absorbé dans cette activité de pensée uniquement.
99. Je renonce à l'attachement et je m'absorbe dans le non-attachement
et l'âme seulement est mon soutien. J'abandonne tout le reste. Un vrai
connaisseur doit se réaliser lui-même ainsi.
100. L'âme seulement est dans ma connaissance, l'âme seulement est
dans ma foi et dans ma conduite, l'âme seulement est dans mon renoncement,
l'âme seulement est dans l'arrêt des karmas et dans la concentration
consciente pure. Un vrai connaisseur doit se réaliser lui-même ainsi.
101. Une âme dans le monde est tuée seule, naît seule, meurt seule,
et devient seule parfaite après être libérée des karmas. Un vrai
connaisseur doit méditer ainsi.
102. Mon âme est toujours une et éternelle. Elle a la connaissance et
la perception comme ses différentia. Toutes les autres activités de la
pensée me sont étrangères, parce qu'elles surgissent de la connexion
de l'âme avec d'autres substances.
103. Quelle que soit la conduite mauvaise qui est en moi, j'y renonce
avec la triple activité du corps, de la parole et de la pensée et je
pratique l'équanimité (samayika) qui est toute pure et sans forme de
trois façons.
104. J'ai l'équanimité envers tous les êtres vivants et je n'ai
de mauvais sentiment envers aucun d'eux. Abandonnant tous les désirs,
j'ai recours à la concentration de soi.
105. Celui, qui est exempt des passions, qui a contrôlé ses sens et qui
est courageux, ingénieux et craintif de la naissance et de la renaissance,
est dit pratiquer le renoncement heureux.
106. Ainsi, le saint qui est constamment engagé à faire la distinction
entre l'âme et les karmas matériels, peut normalement atteindre le
renoncement avec certitude.
Chapitre 7
La confession(Alochana)
107. Un saint, qui médite sur l'âme comme libre de matière
quasi-karmique (no-karma) et de matière karmique, et dépourvue de
qualités et de modifications non-naturelles, est dit avoir la confession
(alochana).
108. La nature de la confession est dite de quatre sortes, dans les
écritures, (a) la confession (alochana), (b) l'éradication (alunchhana),
(c) la non-difformité (avikritikarana) et (d) la pureté des pensées
(bhavashuddhi).
109. Connaissez-le, celui qui, ayant fixé l'activité de sa pensée dans
l'équanimité, réalise son âme, en observant la pratique de la confession
(aluchhana). Tel est l'enseignement des Vainqueurs suprêmes.
110. L'activité de la pensée indépendante et égale de son âme,
capable d'extirper la racine de l'arbre des karmas, est appelée
« l'éradication » (aluchhana).
111. Celui, qui réalise son âme libre des karmas et comme une demeure
de qualités pures, obtient le non-difformité (avikriti karana) dans
l'équanimité.
112. La libération de l'activité de la pensée de la luxure, de
l'orgueil, de la tromperie et de la cupidité, etc. c'est la pureté de
la pensée (bhavashuddhi). Cela a été prêché ainsi aux âmes méritantes
par ceux qui perçoivent l'univers et le non-univers.
Chapitre 8
L'expiation (Prayashchitta)
113. L'activité de la pensée d'observer les cinq voux, les cinq
sortes de précautions, la volonté et le contrôle de soi ou l'attention
à maîtriser ses sens, c'est l'expiation (prayashchitta). Elle doit
être pratiquée constamment.
114. Etre engagé dans la méditation sur la destruction ou la maîtrise
de ses activités de pensée impure, de sa colère, etc. de même
que dans la méditation sur les qualités de son âme, est dit être
l'expiation, du point de vue réel.
115. Un saint, en vérité, vainc les quatre sortes de passions
ainsi : la colère par le pardon, l'orgueil par l'humilité,
la tromperie par la droiture et l'avidité par le contentement.
116. Un saint, qui est constamment absorbé dans la connaissance
suprême, la compréhension ou la conscience de son âme, est dit pratiquer
l'expiation.
117. Qu'est-il besoin de dire de plus, sachez que l'observance
complète des meilleures austérités par les grands saints c'est toute
l'expiation. C'est la cause de la destruction des divers karmas en
grand nombre et en grande quantité.
118. Un groupe de molécules karmiques, méritoires et blâmables,
accumulées par une âme durant son nombre infini de vies antérieures,
est détruit par l'observance des austérités ; la pratique des
austérités c'est aussi l'expiation.
119. Une âme dont l'activité de la pensée est sous la protection de
sa vraie nature, est capable de renoncer à toutes autres activités. Ainsi,
la concentration de soi est l'expiation complète.
120. Celui, qui évitant les formes bonnes et mauvaises de la parole
et étant exempt des activités impures de la pensée, telles que
l'attachement médite sur son âme, est dit observer, en fait,
la règle de l'expiation.
121. Celui, qui écartant l'idée de durabilité d'autres objets,
tels que le corps médite sur son âme, avec l'esprit concentré,
est dit avoir un « retrait de l'attachement au corps »
(kayotsarga). C'est aussi l'expiation.
Chapitre 9
L'équanimité suprême (Parama Samadhi)
122. Celui, qui abandonnant le mouvement de la prononciation de mots,
réalise son soi, avec une activité de la pensée sans attachement, est
dit avoir l'équanimité suprême (parama samadhi).
123. Celui, qui pendant qu'il observe le contrôle de soi, les voux
et les austérités, réalise son soi par une concentration correcte
(dharma dhyana) et par une concentration pure (shukla dhyana), est dit
avoir l'équanimité suprême.
124. Qu'y a t'il de bien à résider dans une forêt, à mortifier son
corps, à observer divers jeûnes, à étudier les écritures et à garder
le silence, etc. chez un saint qui est dénué d'équanimité ?
125. Celui, qui est détaché de toutes les actions nuisibles, qui
observe le contrôle triple du corps, de la pensée et de la parole et
qui maîtrise ses sens, est dit avoir une équanimité ferme, suivant la
prédication de l'omniscient.
126. Celui, qui est bien disposé envers tous les êtres vivants, mobiles
et immobiles, est dit avoir une équanimité ferme, suivant la prédication
de l'omniscient.
127. Celui, qui est conduit près de son âme durant l'observance
du contrôle de soi, des voux et des austérités, est dit avoir une
équanimité ferme, suivant la prédication de l'omniscient.
128. Celui, chez qui l'attachement et l'aversion ne créent pas de
perturbation, est dit avoir une équanimité ferme, suivant la prédication
de l'omniscient.
129. Celui, qui s'abstient toujours de la méditation pénible (arta)
et de la méditation cruelle (raudra), est dit avoir une équanimité ferme,
suivant la prédication de l'omniscient.
130. Celui, qui réfrène toujours les activités méritoires et blâmables
de sa pensée, est dit avoir une équanimité ferme, suivant la prédication
de l'omniscient.
131. Celui, qui s'abstient toujours du ridicule, de l'indulgence,
de la tristesse et de l'ennui, est dit avoir une équanimité ferme,
suivant la prédication de l'omniscient.
132. Celui, qui s'abstient toujours du dégoût, de la peur, de
l'inclination sexuelle, etc. est dit avoir une équanimité ferme,
suivant la prédication de l'omniscient.
133. Celui, qui pratique toujours la concentration correcte ou
pure, est dit avoir une équanimité ferme, suivant la prédication de
l'omniscient.
Chapitre 10
La dévotion suprême (Parama Bhakti)
134. Un saint ou un laïc, qui entretient sa dévotion pour la foi juste,
la connaissance juste et la conduite juste, est dit avoir la dévotion
qui mène à la libération. Cela a été affirmé par les Vainqueurs
(Jinas).
135. Celui, qui connaissant les différentes qualités de l'âme
libérée, a une dévotion suprême pour elles, est dit, du point de vue
pratique, avoir la dévotion.
136. Un saint, qui suivant la voie de la libération entretient la
dévotion qui conduit à la libération, réalise son âme, à travers elle,
avec plein de qualités indépendantes.
137. Un saint, qui ayant renoncé à l'attachement est absorbé
en lui-même, est dit avoir la dévotion pour la méditation. Qui d'autre
peut avoir une telle méditation ?
138. Un saint, qui s'étant débarrassé de toutes les activités
étrangères de la pensée, est absorbé en lui-même, est dit avoir
la dévotion pour la méditation. Qui d'autre peut avoir une telle
méditation ?
139. L'activité de pensée naturelle d'un saint, qui ayant renoncé
à un motif pervers, contemple les principes énoncés par les Vainqueurs
(Jinas), c'est la méditation.
140. Les plus grands Vainqueurs, Rishabha et les autres, en étant
ainsi absorbés dans la dévotion suprême pour la méditation de soi,
ont atteint le bonheur parfait de la libération ; par conséquent,
pratiquez la dévotion suprême pour la méditation de soi.
Chapitre 11
L'indépendance réelle (Nishchaya Avashyaka)
141. Celui, qui ne dépend pas des autres, est dit réaliser une action
indépendante. Cette action est capable de détruire les karmas, aussi a
t'elle été décrite comme la voie de la libération.
142. Celui, qui ne dépend pas des autres, est appelé
« indépendant » (avasha). L'action d'un avasha doit être
connue comme étant une action indépendante (avashyaka). C'est la raison,
la voie et l'idéal cad. la libération des corps matériels. C'est la
dérivée (nirukti) du mot avashyaka.
143. Un saint, qui s'engage dans de mauvaises activités de sa pensée,
et qui dépend d'autres objets, ne possède pas, par conséquent, le
trait distinctif de l'action indépendante.
144. Un saint, qui s'engage dans de bonnes activités de sa pensée,
dépend aussi d'autres objets et, par conséquent, son action non plus
ne possède pas le trait de l'indépendance.
145. Même celui, qui médite sur les qualités et les modifications
des substances, n'est pas indépendant, comme cela a été dit par les
saints qui sont libérés de l'obscurité de l'illusion.
146. Celui, qui ayant abandonné les activités étrangères de la
pensée, réalise que son âme est pleine de qualités pures, dépend seul
de lui-même. Son action seulement est dite une action indépendante.
147. Si vous voulez l'indépendance, fixez fermement vos activités
de la pensée sur la réalisation de la nature de votre propre soi. C'est
seulement ainsi que la qualité (samayika) peut être pleinement développée
dans une âme.
148. Un saint, qui est dénué d'indépendance, se relâche dans la
conduite juste. Par conséquent, on doit atteindre l'indépendance comme
il faut, tel que dit avant.
149. Un saint, occupé à des actions indépendantes, est appelé
« une âme interne » (antaratma), alors que celui qui est
sans action indépendante est connu comme « une âme externe »
(bahiratma).
150. Celui, qui s'emploie seulement à dire ou à murmurer des mots,
est appelé l'âme externe (bahiratma), mais celui, qui ne se limite pas
uniquement à dire des mots, est appelé l'âme interne (antaratma).
151. Celui, qui est absorbé dans les concentrations vertueuses et pures,
est l' antaratma, tandis qu'un saint dénué d'une telle concentration
doit être appelé le bahiratma.
152. Seul le saint, qui suivant la vraie conduite juste, s'occupe de
ses devoirs essentiels, tels que le réel repentir, reste ferme dans
l'observance de la conduite sans passion (vitaraga charitra).
153. Faire le repentir par de simples mots, pratiquer le renoncement
et observer les voux seulement par la récitation et faire la confession
seulement par la parole, tout cela doit être connu comme inclus dans
l'étude des écritures (swadhyaya).
154. Si vous avez la capacité de pratiquer le repentir, sous la
forme de la concentration de soi, alors pratiquez-la ainsi ; et si
vous n'êtes pas capable de le faire, alors vous devez au moins avoir
une foi ferme en cela.
155. Ayant bien examiné le pratikramana, suivant les écritures
exposées par le Jina et ayant gardé le silence, un yogi doit toujours
voir que son objectif est atteint.
156. Il y a différentes sortes d'âmes dans le monde, les
asservissements karmiques sont de multiples variétés et les acquisitions
de connaissance (labdhis) sont de différentes sortes. Par conséquent,
on doit éviter d'entrer dans de simples controverses verbales avec ses
coreligionnaires ou avec eux qui professent une autre foi.
157. De même qu'une personne, qui met la main sur quelque trésor,
jouit de ses fruits dans son propre lieu natal ; de même un bon
connaisseur, qui abandonne les groupes d'objets étrangers, jouit du
trésor de la connaissance de soi.
158. Tous les anciens grands hommes, en ayant pratiqué l'action
indépendante (avashyaka) et ayant franchi les étapes spirituelles de vou
parfait (apramatta vrata), sont devenus Omniscients.
Chapitre 12
La conscience pure (Shudda Upayoga)
159. C'est seulement du point de vue pratique que le Seigneur Omniscient
perçoit et connaît tout ; du point de vue réel, l'Omniscient ne
perçoit et ne connaît que son âme.
160. De même que la lumière et la chaleur existent simultanément
dans le soleil, de même on doit savoir que la perception (darshana) et la
connaissance (jnana) existent simultanément dans une âme omnisciente.
161. Si quelqu'un prétend que la connaissance n'illumine réellement
que d'autres objets, la perception illumine seulement l'âme et l'âme
illumine elle-même et les autres objets.
162. Si la connaissance illumine seulement d'autres objets, alors cela
signifie que la perception (qui est dite ne connaître que l'âme) est
différente de la connaissance ; ainsi c'est dire que la perception
n'est pas concernée par d'autres objets.
163. Si l'âme illumine seulement d'autres objets, alors la perception
serait séparée de l'âme, parce qu'il a été dit que la perception
n'est pas concernée par d'autres objets.
164. Du point de vue pratique, de même que la connaissance illumine
d'autres objets, il en est de même de la perception. Du point de vue
pratique, de même que l'âme illumine d'autres objets, de même aussi
le fait la perception.
165. Du point de vue réel, de même que la connaissance illumine seulement
le soi, de même le fait la perception. Du point de vue réel, de même que
l'âme illumine seulement le soi, de même le fait aussi la perception.
166. Du point de vue réel, le Seigneur Omniscient réalise seulement la
nature du soi, mais non l'univers et le non-univers. Si l'on prétend
cela, quel reproche peut-on lui faire ?
167. Seule la connaissance qui connaît le matériel et l'immatériel,
le conscient et le non-conscient, le soi et toutes les autres substances,
est connue comme directe et au-delà de la connaissance du soi.
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